Side By Side

L’université était un endroit parfait pour ne pas dévoiler une identité que nous souhaitons garder camouflée aux yeux de tous. Les passages étaient nombreux au sein du campus et les étudiants acharnés dans leurs études n’étaient pas facilement soupçonnés.
Il était plus de dix-heures, le coude contre le bord de la fenêtre, le regard rivé vers l’entrée de l’université, la tête posée dans la paume de la main, j’attendais la venue d’un étranger. Le temps s’écoulait attentivement sous le son du tic-tac de la grande aiguille de la grosse horloge noire et blanche. Mon attention captivée par les extérieurs, j’écoutais tout de même les quelques mots du cours concernant le Totalitarisme.

L’heure passée, le sac accroché à l’une des épaules, je parcourais d’une aura sombre et lourde les couloirs du bâtiment. Au chaud, les mains dans les poches comptaient le nombre de pas que je cumulais jusqu’à l’endroit désiré.
256 pas.

Adossé contre le muret, j’écrasais sous le pied un morceau de papier qui traînait. Ma langue claquait contre mon palet sur un tempo de deux temps. Le visage baissé, j’attendais un des protagonistes en relation avec de ma prochaine mission.

Une voiture arrivait doucement avant de s’arrêter une fois pour toute devant moi. Une des fenêtres teintées s’abaissa pour dévoiler le visage d’un mec aux lunettes noires. Il me salua et je m’approchais de lui de manière nonchalante, les mains dans les poches. Je sortis de mon pantalon un chewing-gum en bâton. Proche du gars, mon bras s’appuya contre le bord de la fenêtre, mon corps légèrement penché vers lui. Je vérifiais l'intérieur du véhicule après quelques échanges discrets avec ce mec que je ne connaissais aucunement.

Une petite tape contre le rebord de la fenêtre et sa voiture démarra pendant qu’il relevait sa fenêtre. Un tour sur moi-même, les mains cherchant à nouveau de la chaleur au fond des poches, je me retournais vers l’entrée de l’université.

Depuis le début, elle pensait être discrète, mais je l’avais remarqué. Watanabe Noriko m’espionnait non loin et cela, depuis que j’avais passé le portail quelques minutes auparavant. J'avais ressenti son regard fouineur. Sans qu’elle ait pu s’en rendre compte, je m’étais placé derrière elle. Elle se cachait derrière un arbre.
Les genoux pliés, je me plaçais rapidement devant elle et tout en me redressant, je l’alertais : La curiosité est indispensable, elle diminue la peur de la Mort.

Noriko venait de terminer un cours dont elle avait du mal à se souvenir du contenu, elle avait la tête bien trop occupé par ce mariage arrangé que sa mère avait prévu pour elle. Elle avait réussi à éviter tous ses appels et son dernier espoir était son débile de frère Satoru. Il avait un plan et il ne manquait plus qu'à l'exécuter, mais ça l'inquiétait, elle avait peur que ça ne marche pas, sa mère était maline et elle craignait qu'elle ne tombe pas dans le panneau.

Elle parcourait donc les couloirs comme une âme en peine quand elle vit la silhouette d'une personne qui lui semblait familière. Elle reconnut assez vite Noguchi Haiko, le fils d'un des amis de ses parents. Elle avait remarqué qu'il était louche et depuis quelques temps, elle avait décidé de découvrir la vérité à son sujet. Elle en oublia totalement ses soucis et passa en mode fouineuse. Elle essaya de se faire discrète et le suivit en dehors de l'établissement, il passa le portail, elle le suivit quelques secondes plus tard.

Elle se dissimula derrière un arbre, continuant à l'observer, il semblait attendre quelqu'un ou quelque chose, elle sortit son portable et prit des photos. Une bonne journaliste devait documenter ses enquêtes. Quelques instants plus tard, une voiture noire s'arrêta non loin de lui, il semblait bien que ce soit la personne qu'il attendait. De là où elle était, Noriko n'arrivait absolument pas à voir qui conduisait la voiture, les fenêtres étaient teintées et elle ne distinguait rien. Elle continua à prendre des photos discrètement de l'échange et vit la voiture partir. Alors qu'elle s'apprêtait à déguerpir, son portable se mit à vibrer, c'était encore sa mère qui l'appelait pour la énième fois de la journée. Elle jura et éteignit son portable. Quand ce fut fait, elle vérifia que Noguchi était toujours ou il était, mais il avait disparu, elle essaya de le chercher du regard quand elle le vit soudain apparaître devant elle :

- La curiosité est indispensable, elle diminue la peur de la Mort.

La surprise lui fit perdre l'équilibre et elle tomba en arrière en criant ses plus beaux jurons. Les fesses sur l'asphalte, elle chercha son portable des yeux, la surprise lui avait fait le laâ. Elle se releva en râlant et en accusant Noguchi :

- Mais ça va pas ? T'es pas bien toi ! J'ai failli avoir une crise cardiaque !

Elle continuait à chercher son portable, au sol, ne le trouvant pas. Elle préférait jouer l'énerver que de devoir expliquer pourquoi elle se trouvait cachée derrière un arbre à l'espionner. Elle savait qu'elle venait de se faire prendre la main de le sac, mais elle feignait l'ignorance.

Les mains cherchant à nouveau la chaleur au fond de mes poches, je regardais de haut la jeune femme qui tomba au sol. Lors de sa chute, son portable vola près de moi. Mon pied-droit se plaça dessus afin de le cacher. Pendant qu’elle le cherchait désespérément, je souriais amusé par la situation grotesque. Tu te mets à parler aux arbres ? Elle s’était planquée depuis un bon moment déjà. Je me demandais ce qu’elle avait bien pu voir ou entendre. Pas grand-chose, je supposais en examinant la distance entre ma place d’ici et celle de toute à l’heure.
Elle ne devait pas connaître mon identité. Le fait que je travaillais avec la mafia était dans l’obligation de rester secret. Toujours étudiant, je m’obligeais à persister dans la discrétion. D’une part, je voulais encore profiter du pouvoir de mon père au sein de cette société pourrie et j’étais aussi facilement atteignable entre ses murs scolaires. Attendre était la meilleure des solutions. Même si le temps me paraissait si long.

Lentement, je me pliais en deux pour récupérer l’objet technologique de la prometteuse journaliste. Le visage un peu penché, les yeux rivés sur ce dernier, je secouais l’écran des quelques poussières immiscées sur dessus. Tu devrais faire plus attention à tes affaires. Redressé, mes pupilles fusionnèrent graduellement avec les siennes. Le poignet cassé, je lui tendais son portable, proche de mon torse.
Alors que Noriko voulait le récupérer tout naturellement puisqu’il était sa propriété, j’esquivais son geste pour l’écarter de son emprise. Les sourcils froncés et le regard intense, je lui disais : Tes affaires. Non celles des autres. Indirectement, je lui faisais comprendre que j’avais remarqué qu’elle m’avait espionné. Je n’étais pas si dupe. Un mafieux ne se laissait pas aussi facilement suivre. Il devait avoir un coup d’avance sur l’autre pour survivre. Pervers, malicieux, intelligent et d’un sang-froid, le mafieux se devait d’être au-delà d'un simple hors la loi. Ainsi, perdurait un bon yakuza.
L’argent, le pouvoir, la force ne faisaient pas de lui un intouchable. L’ensemble des trois et l’intelligence, ainsi, il devenait incroyable.

Concernant Noriko, il me fallait gérer son appétit de l’indiscrétion et de l’information. Tout le monde était suspect. La plus petite mouche qui soit pouvait nous piquer. Tu veux du contenu intéressant ? Le sourcil courbé, j’avais dans l’idée de lui filer généreusement quelques rumeurs qui rempliraient son prochain devoir.
On me connaissait pour le mec louche, celui qu’il fallait éviter de croiser à l’université. J’étais silencieux ou plutôt mystérieux, selon les fétichistes des personnes complètement déconnectées de la société et de la réalité. Malgré ma distance avec le monde qui m'entourait, j'étais très éveillé aux ragots et aux rumeurs qui circulaient.

Elle avait cru être discrète, mais c'était rapidement rendu compte que ce n'était pas le cas quand Noguchi l'a surpris. Elle qui voulait le surprendre lui, en pleine pratique de trucs louches, la voilà arroseur arrosé. En plus de ça, il l'avait tellement surprise, qu'elle avait finit les fesses au sol, n'arrangeant pas sa position. Elle se releva rapidement, mais en tombant, elle avait lâché son portable. Elle regarda le sol pour le retrouver, mais elle ne le voyait nul part. Il ne s'était pourtant pas évaporé ! Et pour ne pas arranger les choses, voilà que l'autre commençait à la chambré.

- Tu te mets à parler aux arbres ?

Elle ne lui lança pas un regard continuant à chercher son portable quand elle répondit nonchalamment :

- Ouais, je me suis mise à la sylvothérapie, tu devrais essayer, ça détend.

Merci à l'article qu'elle avait du écrire avec un étudiant en biologie sur les biens fait ou non de la thérapie par la nature. Maintenant, elle avait des informations dans son cerveau qu'elle pensait ne jamais voir à utilité, sauf aujourd'hui apparemment.

- Tu devrais faire plus attention à tes affaires.

Elle releva rapidement la tête et le regarda enfin dans les yeux, elle se savait coupable et soutenait son regard pour montrer qu'elle n'en avait rien à faire. Sauf qu'elle vit ce qu'il voulait dire de faire attention à ses affaires. Il tenait son portable dans ses mains. Noriko tenta de lui retiré des mains, mais il l'esquiva facilement.

- Tes affaires. Non celles des autres.

Ok, elle savait qu'elle était un peu trop curieuse sur les bords et elle devait un jour faire face aux conséquences de ses actes. Et elle avait besoin de récupérer son portable. Elle croisa ses bras sur sa poitrine, sachant qu'il y avait rien à tenter pour récupérer son portable de cette manière, elle était bien moins agile que lui. Une chose qui pouvait la rassuré, c'est qu'il y avait que deux moyens pour déverrouiller son portable, empreinte digitale ou reconnaissance faciale. Et elle comptait bien faire les plus grosses grimaces pour pas que son portable la reconnaissance s'il tentait quoi que ce soit. Espérons qu'il ne soit pas du genre à couper les mains des gens par contre, ça, elle n'en était pas totalement sûre.

- Tu veux du contenu intéressant ?

Tiens, elle ne s'y attendait pas, elle souleva ses sourcils d'étonnement, elle pensait qu'il allait lui demander de supprimer les photos qu'elle avait prise, peut être qu'il n'avait pas remarqué qu'elle l'avait photographier. Et même, comprenait pas trop pourquoi il lui proposait quelque chose alors que c'était elle qui était en position de faiblesse. Il avait son portable dans ses mains. Elle lui lança un regard plein de méfiance :

- Mouais.... Mais qu'est ce que tu veux en échange ?

Elle était pas dupe et elle s'attendait à tout avec lui. Il avait toujours été louche et elle l'avait à l'oeil depuis pas mal de temps. Mais elle disait jamais non à des infos, surtout que venant de lui, il devait en avoir des croustillantes. De quoi réveiller à nouveau sa curiosité. Elle lui pointa son doigt au visage en fronçant les sourcils :

- Et rien de degueux !

La sylvothérapie disait-elle ? Évidemment que j’avais déjà essayé. Afin de faire plaisir aux médecins lorsque j’étais en centre psychiatrique, j’avais testé plusieurs méthodes pour guérir mes envies de suicide. Aucune n’avait réellement fonctionné, le mensonge par contre était parvenu à les faire croire que l’une d’entre elles avait réussi à me faire changer. En fait, l’envie de mourir circulait toujours dans mes veines, mais ils ne s’en doutaient guère étant un solide cachottier.

Forcément, l’étudiante se méfia de ma proposition alléchante. Cette dernière si soudaine, elle avait de quoi prendre du recul surtout ne connaissant pas le fin fond de mes intentions. M’approchant d’elle, je passais mon bras autour de ses épaules. Le visage légèrement caché à l’intérieur de mon cou, je regardais dans le vide en face de moi, comme quelqu’un qui cherchait à se faire discret. Je n’ai besoin de rien. Pourtant, mon regard malicieux disait tout autre.
Mon réel objectif était de capturer son attention et de la mener sur un sujet différent du mien. Pour cela, je devais lui vendre une rumeur parmi toutes celles dont j’étais au courant dernièrement. Sa soif de l'information la guidera à s’intéresser davantage à ce ragot qu’à mon propos. Crrr … Ma main droite gigotait de gauche à droite et mon visage grimaçait à la suite de sa dernière remarque. Voyons, je n’oserais dire quelque chose de dégueu. N'étais-je point une personne raffinée ?

Tout en la maintenant avec un seul bras derrière sa nuque, je nous faisais tourner sur nous-même lentement pendant que je lui amenais le ragot. Ici, à Todai, étudie l’héritier d’un puissant clan de Yakuza. J’avais entendu cette rumeur, mais je n’avais pas encore trouvé la personne en question. J'avais chargé l’un de mes gars de la retrouver, car j’avais des affaires à terminer avec elle.
Avec mollesse, je quittais mon emprise sur elle et me mettre face à elle, les mains dans les poches. Je ne connais pas encore l’identité de cette personne. Si l’envie te venait de la connaître, je me ferais une joie de t’aider à la trouver. Un imperceptible sourire d’artifice décora mes lèvres de vipère.

Elle était pas rassurée par Noguchi, il était pas du genre gentil, ça elle l'avait compris depuis longtemps et elle savait qu'il y avait toujours une monnaie d'échange quelque part. Alors pourquoi voulait-il lui proposer des infos ? Elle se raidit quand il vint mettre son bras autour de ses épaules.  

- Je n’ai besoin de rien

Elle vit tout de même le regard malicieux qu'il avait, elle pouvait pas lui faire confiance, elle resta donc quand même sur ses gardes, mais elle attendit d'entendre son info. Si elle était assez croustillante. Elle observa son portable en coin, peut être qu'elle arriverait à l'attraper si elle s'y prenait rapidement, mais il la fit tourner avec lui, la déstabilisant à nouveau toujours le bras sur sa nuque. Il dit :

- Ici, à Todai, étudie l’héritier d’un puissant clan de Yakuza.

Noriko releva la tête pour l'observer, disait il la vérité ou essayait-il de l'entourlouper ? Elle n'en savait rien, mais ça piquait vraiment sa curiosité, depuis que les rumeurs couraient sur la présence de Yakuzas à Todai, elle avait essayé d'obtenir des infos à ce sujet. Il la lâcha enfin et se mis face à elle, les mains dans les poches et ajouta :

- Je ne connais pas encore l’identité de cette personne. Si l’envie te venait de la connaître, je me ferais une joie de t’aider à la trouver.

Elle croisa ses bras et l'observa suspicieusement, elle pouvait clairement pas lui faire confiance, elle venait de le voir discuter avec une voiture louche il y avait même pas un quart d'heure et elle ne savait toujours pas pourquoi il lui donnait ces infos. Infos qui, si elles se révélaient vraies, seraient bien intéressantes, il fallait l'avouer. Un héritier de clan de Yakuza ? Elle pourrait faire les gros titres et commencer sa carrière de journaliste sur les chapeaux de roues !

- Oui, tu as raison, c'est intéressant, mais je comprend toujours pas ce que tu as à gagner en me donnant ses informations et en plus de vouloir m'aider. Tu n'es pas la personne en qui j'ai le plus confiance au monde, faut l'avouer.

En plus, de ça, elle avait toujours pas récupéré son portable. Tiens, son portable, ou était il ? L'avait il mis dans ses poches ? C'était peut être ça la monnaie d'échange, il voulait la distraire pour lui piquer son portable ? Elle dégagea un bras et le pointa du doigt tout en se penchant un peu en avant :

- Qui me dit que c'est pas toi l'héritier du clan de Yakuzas hein ? et ou est mon portable ?

Elle se redressa et croisa à nouveau ses bras. Elle lança un regard de défi à Noguchi. Elle connaissait ses parents et elle ne pensait pas que son père pouvait être Yakuza, mais on savait jamais avec ces mafieux, ils pouvaient se cacher de partout ! Même en tant que ministre.