((noriko&aoi)) the last thing i heard was you whispering "goodbye"

Il y a cette fille qui est entrée dans le club.
Elle n'était là ni pour postuler, ni pour chercher son petit-ami égaré.
Elle n'était pas là par erreur non plus.
Mais sa présence était une grossière erreur.

Son entrée n'est pas vraiment passée inaperçue. Tu sais, il est rare que les femmes passent cette porte. Cette porte, elle est réservée à la clientèle. Et la clientèle de cet endroit, ce sont des mecs. Des chics types, des pauvres types, des types mariés, des types paumés. Mais il n'y a pas de nanas qui passent ces portes. Mais apparemment, même dans un endroit comme celui-ci, on arrive à laisser le bénéfice du doute aux gens. Elle est entrée, et comme j'étais seule, je suis allée à sa rencontre.

« Mademoiselle, pour les dames, c'est le trottoir d'en face. » lui fis-je remarquer. Et devant son air à ne pas y toucher, j'ai ajouté : « Mh… Pour les lesbiennes, c'est pas dans cette rue du tout… »

Quoi ?
Elle était peut-être là pour ça. Et ça arrive à tout le monde de se planter. Peut-être que c'est sa première fois, la pauvre. On sait jamais. Il me semble bien que les Hostess Club qui s'adressent aux femmes existent. Ils sont seulement carrément planqués. Peu importe. Elle a un regard doux, cette fille, je n'ai pas la foi de la mettre à la porte. Elle a rien fait de mal, pas vrai ? Elle veut sûrement comprendre comment ça se passe. Je la laisse me balancer ses plus belles excuses, elle raconte bien ce qu'elle veut. Et puis si elle veut bien sortir les billets, pourquoi pas ? Mon temps est à vendre, et je me fous bien de qui veut l'acheter tant qu'il l'achète bien.

Le temps passant, je comprends bien que les questions qu'elle me pose sont bizarres. C'est pas clair, son truc. C'est pas net, son histoire. Est-ce que c'est une sorte d'espionne ou..? Attends, ça existe dans la vraie vie des vrais gens, ça ? C'est pas juste dans les films ? C'est peut-être une détective ou j'en sais trop rien. Et je suis pas complètement débile. Et ça me crispe un peu. L'idée qu'il y ait quelqu'un qui essaye de mettre son nez n'importe où, ça m'enchante pas. Il faut pas mettre son nez là où c'est susceptible de puer, c'est du bon sens.

« Si vous voulez postuler, la personne qui s'en occupe n'est pas là, je pourrais vous la présenter une prochaine fois, peut-être ? »

J'essaye de lui faire comprendre qu'elle soit s'en aller. Je jette un regard vers la sécurité. Une femme qui traîne là avec une hôtesse de cette façon, c'est trop bizarre. Et puis ils ont des oreilles partout. Et puis ils se méfient de tout. Ca peut pas le faire. Mon regard croise celui de l'employé de la sécurité. Et je sais que c'est foutu pour elle.

***

Cette fille, elle n'est plus qu'un vieux souvenir au moment où je termine ma soirée. C'est bien longtemps après, j'ai dû m'occuper de types plus ou moins intéressants mais qui ont l'avantage d'avoir du pognon, et les cadeaux faciles. Peu importe. C'est l'heure de passer acheter un truc tout cuisiné à l'épicerie avant de rentrer à la maison. J'ai la chance de ne pas habiter loin. J'enfile un long manteau sur ma robe trop légère et je le ferme. Je sors par la porte des employés et je me mets à marcher vers le magasin, perchée sur mes hauts talons. A cette heure-ci, les gens dans la rue semblent tous étranges. La plupart ont un coup dans le nez. C'est fou comme l'animation semble ne jamais s'arrêter.

Depuis quelques temps maintenant, il y a une rumeur qui cours à Todai, l'école aurait été racheté par un clan de Yakuzas, ce ne sont que des rumeurs, mais il n'y a pas de fumé sans feu. Enfin si, scientifiquement c'est possible, mais là n'était pas la question. Noriko avait décidé de garder ses oreilles grandes ouvertes, un mystère aussi gros était très intriguant et elle avait toujours adoré les mystères.

Après quelques recherches et des écoutes indiscrètes, elle entendit le nom d'un club d'Hôtesse à Shinjuku. Elle avait jamais mis les pieds dans un endroit pareil, si ses parents l'apprenaient, elle pouvait dire adieu à ses libertés. Mais pour ça, fallait qu'ils l'apprennent. C'était maintenant devenu une mission, elle devait y aller et trouver des informations. Puis, ça lui permettrait aussi d'en savoir un peu plus sur le milieu des Hôtesses, elle ne connaissait que ce qu'elle avait pu voir dans les émissions à la télé et les dramas.

Le soir venu, elle tenta de se trouver des vêtements de soirée qui pourrait la faire passer pour une habituer, fallait être assez riche et chic non ? Normalement, ça ne devrait pas être compliqué vu la garde robe qu'elle avait. Elle faillit faire demi tour quand elle se trouva en face du dit Club. Mais il était trop tard pour faire demi tour, plein de détermination, elle entra, il devait être encore assez tôt, car il n'y avait pas beaucoup de monde. Elle fut accueillit par une belle et grande Hôtesse. Noriko essaya de ne pas être intimidé.

- Mademoiselle, pour les dames, c'est le trottoir d'en face. Mh… Pour les lesbiennes, c'est pas dans cette rue du tout…

Noriko fit les gros yeux et se mis à rougir, pas qu'elle est quoi que ce soit contre les relations entre femme, elle avait elle même eu quelques histoires en Europe, mais elle n'était pas prête à faire un quelconque coming out au Japon. Elle secoua donc rapidement la tête et dit précipitamment :

- Non non, je suis au bon endroit, je... je cherche des informations, j'ai étendu que cet établissement pourrait avoir des rapports avec l'université de Todai et je voulait juste jeter un coup d'oeil. Vous connaissez peut être quelqu'un à qui je peux m'adresser ?

Elle vit que ses questions n'étaient pas les bienvenues... L'hôtesse ne semblait pas vouloir la refouler trop méchamment, mais Noriko comprit qu'elle n'aurait pas de réponse et qu'il valait mieux qu'elle parte.

- Si vous voulez postuler, la personne qui s'en occupe n'est pas là, je pourrais vous la présenter une prochaine fois, peut-être ?

Oh! C'était peut être une piste ! Mais avant que Noriko ait pu accepter, un employé de la sécurité intervint pour la faire sortir. Noriko savait quand il ne servait à rien d'argumenter. Il la bouscula un peu jusqu'à la sorti en lui signifiant de ne plus revenir. Bon, maintenant, qu'elle se trouvait dehors, sans plus d'information, qu'est ce qu'elle pouvait bien faire? Elle pouvait rentrer chez elle et attendre qu'une autre piste se présente ou, elle pouvait attendre que l'hôtesse est terminée son service pour lui poser des questions. Elle n'avait de toute façon rien à faire de sa soirée, elle choisit sa seconde option. Même si son enquête n'aboutirait à rien et qu'il n'y avait finalement aucun rapport avec cette histoire de Yakuzas à Todai, au moins, elle aurait enquêté jusqu'au bous.

Elle passa le reste de la soirée dans un Konbini non loins du club d'Hôtesse, elle s'acheta des nouilles instantanés, une bière et un café, puis elle attendit. Elle n'était pas vraiment le genre de clientèle du quartier, une petite riche sainte nitouche vu de l'extérieur. Mais elle garda un oeil sur l'entrée du club. Il commençait à être tard et elle allait bientôt abandonner quand elle vu passer l'Hôtesse, elle la reconnut par sa démarche et sa taille. Noriko sortit en courant du Konbini et la suivit. Après un moment à trouvé ridicule de la stalker de loin, elle prit son courage à deux mains et accéléra pour lui parler.

- Excusez moi ! Je suis désolée de vous déranger, je suis la demoiselle de tout à l'heure au club, vous aviez dit que vous connaissiez quelqu'un à qui je pourrais parler ?

Elle s'en voulait de la déranger, elle avait terminé sa soirée et voulait certainement rentrer chez elle. Voilà, qu'elle devait se coltiner une petite fouineuse.

Objectif n°1 : Acheter à bouffer.
Objectif n°2 : S'avachir sur le canapé et bouffer.

Super plan. Le meilleur plan de l'année. Et j'étais décidée à faire ça, j'étais hyper focus en plus, carrément déterminée. Je ne pensais qu'à rentrer chez moi, virer ces escarpins et engloutir un bon repas en regardant la télé ou en écoutant de la musique, ou les deux. Et puis après, une bonne douche, et puis au lit. C'est ce que j'ai pensé pouvoir faire. Jusqu'à ce que j'entende une voix, malheureusement lancée dans ma direction. Cette voix, la même de tout à l'heure. Et puis cette bouille presque enfantine apparaît dans mon champ de vision. Quel dommage… Mes pas s'arrêtent, mes yeux scrutent cette petite tête qui se trouve au moins quinze centimètres en-dessous de la mienne. Mais tu sais, c'est pas parce qu'elle tellement plus petite que moi qui suis perchée sur des talons immenses que je me méfie pas d'elle. C'est des nanas comme elle qui m'ont fait la misère une bonne partie de ma vie. Certains petits sont des teignes. Vraiment. Et ses allures BCBG ne diffèrent en rien de ces mêmes filles qui m'ont fait mal. Il y a un goût de passé quelque part en elle. Je saurais pas expliquer. Et ses yeux doux me réchauffent en même temps que sa curiosité me glace le sang.

« Ecoute moi. Je suis pas complètement débile, je sais parfaitement que tu comptes pas devenir hôtesse. J'ai juste essayé de te faire comprendre qu'il fallait que tu déguerpisses. »

Je suis même pas sèche dans mon ton. Je suis juste claire, pas un mot plus haut que l'autre. Même si c'est chiant. Même si elle devrait pas faire ça. Même si elle est en train de me retarder.

« Ce qui se passe dans le club reste dans le club. Et… Franchement, comment un tel endroit pourrait avoir le moindre rapport avec une université de petits bourgeois coincés ? »

Tu sais, en soi, je suis pas au courant de grand chose. J'ai entendu des rumeurs, mais les rumeurs restent des rumeurs. Elles ne sont jamais valables tant qu'il y a pas de preuve. Et avec les personnes qui gèrent cet établissement aiment pas trop qu'on s'informent sur eux. Ca peut se comprendre.

« Je suis au courant de rien, de toute façon. Et la personne qui s'occupe des recrutements non plus. » ajoutais-je. « Bonne soirée ? »

Je m'en vais pas pour autant, je vais pas lui tourner le dos comme ça. Mais j'attends qu'elle, elle s'en aille. Qu'elle décide de rentrer d'elle-même de chez elle pour que je puisse aller manger. Je crève de faim. Et si elle me laisse pas aller manger, je vais finir par être obligée de la dévorer elle.

Noriko se sentait un peu intimidée par cette hôtesse, elle était bien plus grande qu'elle et semblait très sûre d'elle. Elle ne connaissait pas beaucoup de jeunes femmes japonaises aussi grande que son interlocutrice et elle devait bien lever le visage pour la regarder dans les yeux.

- Ecoute moi. Je suis pas complètement débile, je sais parfaitement que tu comptes pas devenir hôtesse. J'ai juste essayé de te faire comprendre qu'il fallait que tu déguerpisses.

Ok, elle avait tout de suite compris les intentions de Noriko. Donc obtenir des informations allait être bien plus compliqué que ce qu'elle avait prévu. Mais elle était tenace la petite, pas du genre à laisser passer la possibilité d'avoir des infos. Elle était persuadée que travailler dans un club permettait d'entendre beaucoup d'informations intéressantes.

- Ce qui se passe dans le club reste dans le club. Et… Franchement, comment un tel endroit pourrait avoir le moindre rapport avec une université de petits bourgeois coincés ?

On aurait dit qu'elle ressortait une réplique de Fight Club, Noriko essaya de ne pas se sentir viser par petits bourgeois coincés, parce que techniquement, c'était assez vrai. Mais justement, c'était pour savoir quel était le rapport entre un club d'Hôtesse et Todai qu'elle était là.

- Je suis au courant de rien, de toute façon. Et la personne qui s'occupe des recrutements non plus. Bonne soirée ?

Noriko fit une grimace, elle aurait aimée pouvoir avoir plus d'information et ne pas entrer bredouille. Mais c'était mal parti, elle avait bien l'impression que son enquête était terminée, la belle Hôtesse ne voulait rien dire. Mais Noriko avait comme un instinct qui lui disait de ne pas laisser partir cette fille, comme si elle la connaissait déjà, mais elle ne savait pas d'où. Elle leva les bras pour montrer qu'elle laissait tombée:

- D'accord, d'accord, je ne me mêlerais plus des affaires de votre club et je n'y mettrais plus les pieds. Par contre, est ce que je peux vous invitez à manger pour m'excuser de vous avoir mis dans l'embarra ? Si vous n'avez pas déjà mangé évidemment.

Cette demoiselle l'intriguait, puis elle n'avait jamais rencontré de véritable hôtesse et elle aimerait bien apprendre à la connaître. Mais elle avait quand même au fond de son esprit une petite voix qui lui disait que si elle devenait assez proche d'elle, peut être qu'elle pourrait avoir quelques infos, une des raisons pourquoi elle n'avait pas promis en disant qu'elle ne se mêlerais plus des affaires. Mais c'était qu'une petite voix, Noriko ne l'écouta presque pas.

- Je ne connais pas bien le quartier, donc si vous connaissez un endroit sympa, encore ouvert et que ça ne vous dérange pas qu'une petite bourgeoise coincée vous offre un repas, vous pouvez indiquer le chemin ?

Elle fit une petite pique sur la remarque de tout à l'heure, mais pour montrer qu'elle ne prenait pas le commentaire au sérieux, elle fit une parodie de révérence comme les Reines et princesses d'Europe pouvaient faire dans les films, en croisant sa jambe derrière son autre jambe et en soulevant un peu sa robe sur les côtés. Elle lui fit un sourire malicieux en se relevant.

Aurait-elle pris la bonne décision de tout simplement se barrer ?
C'est un non.
Je continue de la fixer, depuis tout à l'heure je l'ai enchaînée sans la laisser en placer une. J'aurais pensé qu'elle allait dire au revoir et tout simplement tourner les talons, mais… Non, c'est pas le cas. Mais elle fait un geste qui donne de l'espoir tout de même. Et elle capitule direct. Et je saurais même pas dire si c'est rassurant ou trop bizarre. Peut-être l'un comme l'autre. Difficile de savoir ce qui se passe dans la tête de quelqu'un d'autre. Surtout quand le quelqu'un d'autre en question est une parfaite inconnue. Mais voilà, le truc, c'est qu'en plus d'accepter de ne plus m'en parler, elle me propose de m'inviter à manger. Et ça, c'est compliqué à refuser, non ? Pour moi ça l'est ! De la bouffe. Gratuite. Je peux pas tellement cracher dessus, ça serait aller contre mes principes ! Carrément ! C'est peut-être pas une bonne idée de traîner avec une personne comme elle - une fouineuse - mais en même temps… Rien ne m'oblige à la revoir après, pas vrai ? Ouais. Y'a moyen de juste manger avec une nana qui va définitivement pas me tuer (enfin, je crois) et de simplement ne plus la revoir après. Faisons ça comme ça, hein ?
Le temps que je réfléchisse à mon truc, elle m'a carrément proposé de choisir l'endroit. Tout en me balançant une petite pique que je ne rate absolument pas. Je hausse les sourcils, vaguement. Pas vraiment de surprise concernant le fait qu'elle soit "une petite bourgeoise coincée". Elle le porte sur elle. Sur sa face, sur ses fringues, sur sa façon de parler. Est-ce qu'elle l'a mal pris ? Je crois même pas. Et je ne compte pas tellement m'excuser non plus. Je l'ai pas agressée non plus, hein ? C'est juste que le contraste entre les clubs d'hôtesses et le monde doré des élèves de Todai n'a absolument aucun rapport. Je n'ai fait que l'accentuer un peu plus avec des mots.

« Madame la Reine d'Angleterre en personne pourrait m'offrir à manger que je dirais pas non. Tu me suis ? »

Je suis clairement moins polie qu'elle, mais le travail est terminé, j'ai épuisé mes réserves en matière de lèche. Et puis je suis persuadée qu'on a le même âge. Et puis mes parents avaient autre chose à faire que de m'apprendre sévèrement la politesse. Même gamine, j'étais comme ça, je plaisais pas trop aux gens en général. Je n'étais mignonne ni physiquement, ni dans mon comportement. Il faut croire que c'est juste pas mon truc, voilà.

« En tout cas, je vois que vous apprenez des trucs vachement utiles chez les riches. » lui dis-je avec un petit sourire amusé - un poil moqueur - en rapport avec cette courbette qu'elle venait de me faire.

Et puis je me mets à marcher. Je marche assez vite, parce que j'ai faim depuis tout à l'heure et que plus je marche vite, moins longtemps j'aurais mal aux pieds dans mes escarpins, tu vois ? En quelques minutes à peine, on s'est engouffrées dans une petite rue perpendiculaire à celle où on se trouvait auparavant et on passe la porte d'un petit resto qui paye vraiment pas de mine mais qui fait de très bonnes brochettes. C'est minuscule à l'intérieur, il y a juste un type un peu chelou dans le coin, au fond, et le cuistot derrière son comptoir.

« Bonsoir ! »

Le type nous salue avec enthousiasme, nous propose de nous installer et nous indique qu'il est à notre disposition. Je pose mes fesses sur un des tabourets qui se trouve devant le comptoir. Je prends un des cartons avec la liste des brochettes et des boissons alcoolisées ou non que je passe à la demoiselle qui m'accompagne.

« Tu comptes prendre quelque chose ? Je te conseille le porc, il est super bon. Quoi que le poulet aussi... Oh et le boeuf. Enfin... Tout est super bon. »

Moi j'ai pas besoin de la liste, je connais tout par coeur, je viens ici de temps en temps. C'est pas cher et super bon. Ca doit avoir l'air bizarre pour quelqu'un qui a l'habitude d'un certain standing, mais je m'en inquiète pas vraiment. C'est elle qui m'a dit de choisir, pas vrai ?

- Madame la Reine d'Angleterre en personne pourrait m'offrir à manger que je dirais pas non. Tu me suis ?

Heureuse que son plan, non, que son invitation ait marché, Noriko commence à suivre l'Hôtesse. Elle a trottine un peu derrière, c'est que la demoiselle a de bien plus grande jambe qu'elle. Elle ne relève même pas à la reflexion sur ce qu'ils peuvent apprendre chez les riches, elle reste concentrée pour ne pas tomber, elle aussi elle a mis des talons et elle est bien moins adroite. Elle a aussi eut que de rares occasions où elle devait presque courir avec. Mais heureusement, le restaurant n'était pas loin. Enfin, elle ne savait pas trop si on pouvait appeler ça un restaurant. Elle garda évidemment ses réflexions pour elle, bien plus habitué aux grands restaurants avec quelques étoiles derrière leurs noms. Elle avait fait quelques restaurants comme celui là, lors de ses voyages, elle savait donc que souvent c'était là qu'on trouvait la meilleure nourriture. Mais de là à y mettre les pieds de son propre chef ?

Il y avait personne d'autre dans ce restaurant, il était aussi assez tard, il y avait bien un type louche et Noriko fit bien attention de garder son sac d'un marque de luxe française bien prêt de soit. Elle suivit les indications du cuistot et s'installa au côté de son interlocutrice.

- Tu comptes prendre quelque chose ? Je te conseille le porc, il est super bon. Quoi que le poulet aussi... Oh et le boeuf. Enfin... Tout est super bon.

Elle avait déjà mangé des nouilles instantanés mais c'était il y a quelques heures maintenant. Pourquoi pas prendre quelque chose ici. Elle attrapa le menu, ayant aucune idée de ce que tout ce qu'il avait écrit dessus pouvait être. Elle laissa rapidement tomber.  

- Euh... la même chose que toi. Et une bière, je pense que j'en ai besoin d'une après le fiasco de ce soir.

Elle rentrera bredouille ce soir, mais au moins, elle espérait manger quelque chose de bon avec une bonne bière japonaise. Elle se rendit ensuite compte qu'elle ne connaissait pas le nom de cette jeune femme, c'était bien impolie de sa part. Elle décida de tout de suite rectifier ça, mais elle n'avait pas assez confiance en elle pour donner son nom complet, elle voulait pas que les gens apprennent qu'elle était venue se balader dans un club d'Hôtesse, si ses frères l'apprenaient, ils voudront certainement la tuer... Ce qui serait assez drôle à voir en réalité. Elle continua sur sa lancé en parlant de façon familière, ça lui faisait bizarre de tutoyer une inconnue aussi rapidement, mais elle n'avait cas voir ça comme une discussion en anglais.  

- C'est super impolie de ma part, mais je ne me suis pas introduite, je m'appelle Noriko, enchanté de te connaître !

Quelque chose la taraudé, elle semblait connaître cette fille, mais elle avait aucune idée d'où, peut être son dialecte ? C'est vrai que ça lui rappelait sa ville natale. Même elle, après avoir vécu plusieurs années à Tokyo, il lui arrivait de ressortir des expressions et des prononciations de Kyoto.

- Tu serais pas de Kyoto ? J'ai l'impression qu'on a le même dialecte !

Elle a pas l'air bien dans ses shoes, l'inconnue. Je la vois méfiante, son sac bien à portée. C'est vrai qu'il a l'air de coûter une fortune, mais franchement… Y'a personne. Et ici, je crois bien qu'on s'en tape de son sac à main, parce qu'ici, on pense à bouffer et à rien d'autre. Et honnêtement, je me risquerais pas à faire une connerie dans l'établissement du papy qui se trouve derrière sa plancha. Il est gentil, comme ça, mais je suis sûre que si tu l'emmerdes il est franchement pas commode. Ca se sent. Ca se voit. Ouais, clairement, en tant que voleur, j'y réfléchirai à deux fois avant de faire chier mon monde ici. Moi je suis bien, ici, clairement à l'aise et dans mon élément. Encore plus encore que quand je suis dans mon lieu de travail. Je me sens presque à la maison. J'interroge la demoiselle à mes côtés concernant les consommations qu'elle prendra. Je suis totalement emballée par l'idée d'être ici et de remplir ma panse que je capte même pas que je connais pas son prénom. Je suis restée totalement focus sur mon plan de base. Je la regarde pendant qu'elle regarde vaguement la carte. J'ai l'impression qu'elle pige rien. C'est parce que ça a été écrit à la main ? Ou parce qu'elle ne reconnaît pas des noms pourtant minimalistes ? Je sais pas vraiment. Peu importe.

« Bien, j'ai une idée : je vais commander plusieurs paires et on va partager. Ça te va ? »

Je propose ça comme je proposerais ça à une amie, sauf que je la connais pas, mais ça me dérange pas du tout. T'inquiètes même pas. Moi, je trouve que mon idée elle est cool, parce que ça lui permettra de goûter plusieurs choses et puis moi, j'aime bien la variété alors c'est parfait. Tout le monde sera content, non ?

« Noriko c'est ton vrai prénom ? » je lui demande en arquant les sourcils, rares sont les japonais qui se présentent rien que par leur prénom, non ? Venant d'une nana aussi pincée, je trouve ça surprenant. « Enchantée. »

Moi, je lui ai déjà donné mon nom d'hôtesse, c'est bien suffisant, non ? C'est pas comme si on allait devenir les meilleures amies et se revoir, pas vrai ? Elle peut bien m'appeler par une sorte de pseudo le temps d'une soirée. Comme moi je peux en faire de même si jamais Noriko n'est pas son vrai prénom. En tout cas, que ça le soit ou pas, c'est un beau prénom, ça a un goût de familier sans trop savoir pourquoi. C'est comme un vieux souvenirs enterré tout au fond de ma mémoire et auquel je ne parviens pas à accéder.

« Ouais, bien vu ! » dis-je avec un sourire. « T'es née là bas ? T'es arrivée ici quand ? »

C'est un peu bizarre, de croiser quelqu'un de Kyoto. Ca a un léger goût amer, bien que je sois sûre et certaine que cette fille n'a jamais fait partie de celles qui m'ont harcelée. Je les reconnaîtrais de suite, leurs visages sont imprimés dans ma mémoire de façon indélébile. Elle a vaguement la même allure que certaines d'entre elles, mais elle est d'un autre standing. Ouais, il y a des similarités sans pour autant être pareil. C'est bizarre. Ça paraît flou.

« Hey, on voudrait commander ! On va prendre plusieurs paires de brochettes : des comme ça, des comme ça, des comme ça et celles là aussi. Et puis deux bières s'il vous plaît. Des fortes. Merci ! »

J'ai même pas demandé son avis à Noriko. Et puis c'est trop tard. En un rien de temps, les deux bouteilles sont décapsulées et déposées devant nous sur des vieux dessous de verre en carton avec des paysages imprimés dessus. C'est vieillot, ça me rappelle mes grands-parents, je suis fan.

« J'ai cru comprendre que tu étais étudiante à Todai, c'est comment là-bas ? »

Je sais parfaitement que j'y foutrais jamais les pieds, alors je suis un peu curieuse. J'imagine l'école digne d'un drama, remplie de beaux et belles gosses blindés de fric. Ou plutôt, dont les parents sont pétés de thunes.
La première paire de brochette arrive sur une petite assiette à la peinture usée. J'en prends rapidement une et je commence à la dévorer. Elle est super bonne ! Elle brûle un peu, mais elle est trop bonne. Et j'oublie un peu mon rôle de jolie hôtesse séductrice. Est-ce que j'ai vraiment besoin de ce masque là de suite ? Absolument pas !

« Je meurs de faim, pas toi ? »

- Bien, j'ai une idée : je vais commander plusieurs paires et on va partager. Ça te va ?

Elle se contenta d'acquiecer bêtement, elle ne savait absolument pas comment ce genre d'établissement fonctionnait. Et elle préférait laisser l'Hôtesse s'en occuper. Noriko s'adapterait. Elle en profita également pour s'introduire, faisant exprès de ne pas donner son nom de famille. Gardant un peut d'anonymat.

- Noriko c'est ton vrai prénom ? Enchantée.

Ca lui avait pas traversé l'esprit de prendre un faux prénom, elle se tapa le front mentalement. Fallait vraiment qu'elle bosse son côté anonymat de journaliste, parce que là, c'était vraiment humiliant. Elle connaissait toujours pas le nom de son interlocutrice et elle n'avait pas retenu son nom d'Hôtesse... Est ce que ce serait mal poli de lui demander comment elle s'appelait ? Elle savait pas trop, mais elle trouvait ça frustrant de ne pas le savoir. Elle demanda donc :

- Oui, Noriko. ah et je suis désolé si tu me l'as déjà dis, mais je n'ai pas retenu ton nom.

Si elle ne lui donnait pas de nom, elle l'appèlerait Madame longue jambe, c'était décidé, après avoir presque couru derrière elle, c'était un nom parfait. Noriko avait remarqué qu'elles partageaient le même dialecte, elle demanda si elle venait de Kyoto comme elle.

- Ouais, bien vu ! T'es née là bas ? T'es arrivée ici quand ?

Ah ! Elle ne s'était pas trompée, finalement, elle n'était pas si nulle comme enquêtrice ! Oui, fallait se contenter de petites victoires parfois.

- Oui, j'y ai vécu toute ma vie, ça va faire 3 ans que je me suis installée à Tokyo. Et toi ? Tu es plus Tokyoïte ou toujours Kyotoïte de coeur ?

Noriko aimait sa ville natale, elle y avait de bons souvenirs, elle n'a pas eu une vie difficile, dans la maison de princesse japonaise. Mais elle pouvait comprendre que parfois, ce n'était pas aussi simple. Elle eut l'impression qu'un souvenir moins heureux allait apparaître quand madame longue jambe commanda pour elles. Noriko savait seulement à quoi s'attendre avec les bières qui arrivèrent rapidement. Elle prit sa bière, l'examina et reconnaissant la marque, elle en but une gorgée.

- J'ai cru comprendre que tu étais étudiante à Todai, c'est comment là-bas ?

Elle y réfléchit quelques secondes, se demandant comment décrire son université. Elle choisit la réponse facile et sincère :

- C'est comme tu dois l'imaginer, pleins de gosses de riche pourris gâtés, de grosses têtes et de prétentieux. Tu peux me compter dans la première catégorie et peut être la dernière aussi.

Elle savait qu'elle était une gamine de riches et pas la plus facile à vivre. Donc autant prévenir dès le début. Puis un peu d'autodérision ne faisait pas de mal. Des brochettes arrivèrent, Madame longue jambe en attrapa une et commença à la manger avec les doigts. Noriko en prit une par le bous des doigts et examina la brochette. Elle mangeait rarement avec les doigts, mais elle n'allait pas demander à ce qu'on lui ramène des baguettes.

- Je meurs de faim, pas toi ?

Noriko l'observa, elle était beaucoup moins séduisante qu'un peu plus tôt, mais ça lui plaisait, c'était mignon. Elle avait pas besoin de trop faire attention à ce qu'elle faisait.

- J'ai mangé un peu plus tôt et c'est la première fois que je mange des brochettes comme ça.

Elle se lança, elle mordit dans la brochette, c'était brulant, elle ouvrit la bouche avec son morceau de brochette qu'elle essayait de refroidir en soufflant et battant des mains devant son visage, elle articula difficilement et en paniquant :

- C'est Ô! c'est Ô!

Elle finit par avaler le morceau et prit vite une grosse gorgé de sa bière. Puis elle lança à Madame longue jambe :

- Je croyais que c'était tiède moi vu au rythme que tu mangeais !

L'idée est validée.
La demoiselle est troublée. Elle avait l'air d'avoir subitement pensé à quelque chose. J'ai vu ce léger trouble dans ses yeux, celui de quelqu'un qui semble avoir soudainement réalisé une erreur. Ca me rend un peu perplexe un instant, mais peu importe, ça lui passe rapidement. Le malaise rapidement envolé, je me formalise pas vraiment du fait qu'elle a zappé ma petite présentation de tout à l'heure. Elle devait penser à autre chose qu'à l'identité de l'hôtesse à laquelle elle parlait. Je sais parfaitement que c'était pas du tout moi qui l'intéressait.

« Chiemi. »

Je lui donne toujours mon nom d'hôtesse. J'aurais pu lui donner mon vrai prénom, mais… Non. Je l'ai pas fait. Quelque chose au fond de moi m'a dit de pas le faire et je saurais même pas expliquer ni quoi, ni pourquoi. Et… En fait, quand je sais qu'elle vient aussi de Kyoto, je me dis que j'ai probablement bien fait. Ça m'étonnerait carrément qu'on se connaisse, qu'on se soit déjà rencontrées, mais… Je préfère pas prendre le risque que de vilaines choses remontent. J'ai pas envie que les vieux souvenirs pas agréables me reviennent en pleine face. Et j'ai pas envie d'être la nana qui se faisait bolosser si jamais elle avait une illumination soudaine venant d'on ne sait trop où.

« Ah, c'est encore assez "récent" alors. Je suis arrivée à Tokyo il y a environ sept ans. Et toute ma vie est ici, donc je suis une Tokyoïte intégrée on va dire. » je lâche un léger rire qui pourrait carrément faire vrai. « Et toi ? Où va ta préférence ? »

Commande passée, bière arrivée. Je m'en saisis, la bouteille est bien froide, et j'en bois une gorgée avant de la questionner sur son université. J'ai bien compris, tout à l'heure, qu'elle s'était sentie visée par ma remarque et que ça voulait clairement tout dire. Elle est tout simplement étudiante à Todai. Je me demande un peu comment c'est dans la vraie vie, si c'est un peu comme le film que je m'en fais ou si je me plante carrément. Et sa réponse me déçoit pas. Un petit sourire étire mes lèvres. J'avais donc raison en fait. Pas de surprise.

« Ca doit être… Divertissant. »

Je saurais pas dire si c'est ironique ou pas. J'imagine le truc un peu… Divertissant dans un premier temps, de découvrir de tels spécimens que j'ai pas vraiment l'habitude de cotoyer, mais probablement chiant à la longue. A moins qu'il y ait un tas de dramas ? J'aime bien les dramas, surtout quand ils sont croustillants.

« Et au moins t'as le mérite de savoir où te situer. »

Elle est plutôt amusante, cette fille. J'aurais pas vraiment imaginé ça au début, encore moins en sachant à quelle classe sociale elle appartient. Elles sont souvent pas commodes, les filles de riches. Fin, pas avec les filles comme moi en tout cas.

Nos premières brochettes sont servies, et alors là, j'oublie carrément toute convenance. Et je m'en fous totalement en fait. Cette fille n'est pas un client, j'ai pas besoin de la séduire. Et puis j'ai faim, merde ! Elle, elle a mangé un peu plus tôt apparemment, mais pas moi. Et je sais qu'elles sont super bonnes alors je suis carrément déterminée même si c'est super chaud. Ca me dérange pas vraiment, mais je capte vite que Noriko, elle assume carrément moins. Et je peux pas m'empêcher de rire très peu discrètement face à sa réaction.

Je la taquine : « Ohlalaaa, mais c'est que t'es douillette ! »
Et puis : « En plus, il vient de les sortir de la plaque de cuisson juste sous notre nez, je sais pas trop à quoi tu t'attendais. »

Mon rire est franc, sincère. J'ai aimé le naturel de sa réaction, ça la rend que plus sympathique à mes yeux. J'ai un peu de mal avec les fausses apparences, ce qui est plutôt un comble quand tu sais que j'en use à longueur de temps pour effectuer mon métier.

« Mais avoue que c'est super bon ! »

Je continue de manger pour ma part, je me laisse pas abattre par la petite sauce qui tâche mes doigts et les brûle légèrement au passage.

« T'as un copain ? » lui demandais-je entre deux bouchées.

Je fais la conversation, j'aime bien savoir ce genre de chose juste parce que je suis carrément trop curieuse et que j'adore les histoires de couple, qu'elles soient romantiques ou chaotiques. Je ne suis qu'humaine, hein ! Et puis j'ai jamais eu personne, et puis j'ai pas le droit d'avoir quelqu'un, alors il faut bien que je profite par procuration, non ?

Chiemi ? Maintenant qu'elle le disait, c'était bien comme ça qu'elle s'était présentée plus tôt. Elle avait juste pas fait attention. C'était un peu étrange, Noriko avait la sensation que c'était pas vraiment Chiemi, ne connaissant pas vraiment les coutumes des clubs d'Hôtesses, ça ne le lui vint pas à l'esprit que ça pouvait être un pseudo ou simplement que son interlocutrice ait choisi de prendre un nom d'emprunt. Même si ça lui semblait étrange, Madame longue jambe était donc Chiemi.

Sept ans qu'elle était à Tokyo, ça faisait longtemps donc, après, ça faisait bien 5 ans que Noriko n'avait pas habité à Kyoto, elle avait voyagé deux ans avant de revenir au Japon. Elle savait pas trop quelle ville elle préférait, elle s'adaptait facilement, donc elle s'était pas posée la question. Elle réfléchit un peu :

- Je sais pas trop, j'aime mon quartier de Kyoto, mais j'aime la vie à Tokyo, je sais pas trop quoi choisir.

Oui, Todai était divertissant, c'est vrai, les riches aimaient se prendre la tête pour rien, ils avaient trop de temps pour s'énerver sur des choses inutiles. Mais c'était bien sympa pour Noriko, elle qui aimait les ragots et écouter les dramas des autres. Elle osa les épaules quand Chiemi lui fit remarquait qu'elle savait au moins se situer. Oui, elle n'était pas aveugle face à son niveau de vies, il y avait beaucoup d'avantage, mais aussi de sacré inconvénient qu'elle ne voulait pas avoir à penser en cette soirée.

Voyant que Chiemi n'avait aucun soucis pour manger ses brochettes, Noriko se lança sans vraiment réfléchir à la chaleur qu'elles pouvaient avoir. Sans surprise, elle se brûla la langue, après avoir réussi à avaler le morceau bien trop chaud pour elle, elle but à grande gorgé sa bière pour apaiser le tout. Elle n'hésita pas une seconde à reprocher à Chiemi d'avoir pu manger sans montrer que les brochettes étaient chaudes. Puis, elle était entrain de rire, d'elle, Noriko fit une moue outrée.

- Ohlalaaa, mais c'est que t'es douillette ! En plus, il vient de les sortir de la plaque de cuisson juste sous notre nez, je sais pas trop à quoi tu t'attendais.

Noriko lança un regard vers l'endroit d'où venait les brochettes, elle avait raison, on voyait clairement qu'elles avaient été préparé sur des plaques de cuissons chaudes... Prenant une voix peu convaincu car la demoiselle fut vexé que Chiemi rit d'elle :

- Mouais...

Mais elle continua à faire sa moue boudeuse en reprenant avec les doigts la brochette qu'elle avait entamé, elle l'observa comme si elle allait l'attaquer. Elle souffla fortement dessus. Quand elle jugea qu'il y avait moins de fumé qui en sortait, elle mordit un nouveau morceau.

- Mais avoue que c'est super bon !

Son visage s'illumina, oubliant qu'elle était sensée être vexé, c'était vrai, les brochettes étaient super bonne. Un peu plus tôt, elle n'avait pas vraiment pu goûter, elle avait avalé son morceau le plus rapidement possible. Mais là, elle comprenait pourquoi Chiemi l'avait fait venir dans ce restaurant. Toute heureuse elle répondit avant de se préparer à manger un autre morceau :

- C'est excellent !

Elle continua à manger et boire sa bière. Elle reviendrait dans ce restaurant, elle savait pas trop qui emmener, elle était pas sûre d'avoir des amis qui voulaient mettre les pieds dans un endroit dans ce genre. Mais s'il fallait, elle reviendrait seule, elle allait pas rater la possibilité de manger d'aussi bonnes brochettes.

- T'as un copain ?

Un copain ? Noriko se renfrogna, elle avait finalement répondu aux appels incessant de sa mère, qu'elle ignorait depuis presque trois semaines et comme elle s'en doutait, sa mère avait prévu de lui faire un mariage arrangé. Et elle n'avait pas son mot à dire, elle eut beau se plaindre, pleurer et s'énerver, sa mère lui donna un ultimatum. Si elle ne venait pas au "fiançailles", sa mère lui couperait les vivres et ça, Noriko n'était pas prête de le vivre. Elle aimait beaucoup trop son confort de riche, elle espérait pouvoir repousser le mariage jusqu'à après la fin de ses études, pour qu'elle puisse commencer à travailler et subvenir à ses besoins. Et elle avait toujours ses parts dans l'entreprise de ses parents, elle ne serait pas démuni, mais ça voulait aussi dire que sa mère et sa grand mère ne voudront plus lui parler ou la voir. Elle ne savait pas encore si elle en était capable. Et le pire, c'était que sa mère avait déjà choisi l'heureux élu sans que Noriko est son mot à dire et qu'il lui restait moins de une semaine avant de le rencontrer. Cette question l'avait vraiment abattu, elle répondu en grimaçant et avec un ton d'ironie :

- Je sais pas si on peut appeler ça un copain, mais je vais bientôt être l'heureuse fiancé d'un inconnu.

Elle prit sa bière et la termina d'une traite. Elle appela ensuite le cuistot :

- Excusez moi ! Deux sakés s'il vous plait.

Elle avait besoin d'oublier un peu ce soir et quoi de mieux qu'un peu d'alcool. Elle se tourna vers Chiemi, elle lui en disait peut être trop, mais c'était étrange, elle avait vraiment l'impression de la connaître. Peut être l'avait elle vu un jour à Kyoto ? Elle ne se rappelait absolument pas. Maintenant, qu'elle avait partagé sa vie amoureuse, c'était à son tour, elle lui demanda :

- Et toi ? Est ce que les Hôtesses ont des copains?

Le saké fut servi et Noriko but le petit verre d'une traite, tout en faisant un grimace à la fin et en toussant. En réalité, elle n'aimait pas l'alcool fort, elle préférait les bières ou le vin, un whiskey au grand maximum.

Elle ne saurait choisir entre Kyoto et Tokyo, ce que je peux éventuellement comprendre. Je suppose que si j'avais pas eu toutes ces merdes à Kyoto, je serais carrément plus nostalgique de mes souvenirs là bas et je ne saurais choisir non plus. C'est même sûr ! Après tout, il n'y a pas eu que des choses terribles là bas, j'ai mes souvenirs avec mes grands parents, il y avait le dojo qui appartenait avec ma famille, la fille des voisins qui était super gentille aussi ! Bon… Absolument tout ce que je viens de citer s'est mal terminé mais… Je pense que si je n'avais pas été maltraitée par une bande de dindasses pendant des années au point d'en avoir envie de crever… Ouais, j'aurais su me contenter de mes bons souvenirs malgré la tournure des choses. Sauf que c'est pas le cas. Et alors, mon arrivée à Tokyo a été un véritable soulagement. Mon choix est donc très vite fait. J'ai eu des moments compliqués ici aussi mais c'est vraiment pas grand chose comparé à avant. Et puis je m'en sors pas trop mal finalement. De quoi aurais-je vraiment à me plaindre à ce jour ? Non, vraiment peu de choses.

Après un sujet qui aurait pu devenir sensible et quelques informations par rapport à Todai, j'ai bien du mal à ne pas rire à gorge déployée quand je vois l'air outré de mon interlocutrice qui s'est brûlée avec une brochette. Okay, personne n'aime énormément qu'on se moque de lui mais ça me fait trop rire. C'est pas de ma faute, hein ? Et puis elle s'en remettra de toute façon, c'est sûr. Je continue de manger avec appétit, je dévore ma brochette alors qu'elle me donne son avis sur le goût de la deuxième.

« T'as vu ! Et en plus, les autres sont trop bonnes aussi, tu vas voir ! »

Je fais signe au cuistot de faire les suivantes. Comme ça, je pourrais manger, et l'autre pourra refroidir un peu pour que Noriko ne se brûle pas de nouveau. Je dépose le pic vide sur l'assiette et je prends à boire, j'avale quelques grandes gorgées de ma bière alors que j'observe la demoiselle qui a l'air… Je sais même pas. Dépitée ? Renfrognée ? Elle a pas l'air d'avoir envie qu'on lui pose des questions sur sa vie de couple.

Oups ?

Et pourtant, alors que je suis en train de terminer ma bière, elle me répond et… Je suis obligée de plaquer ma main contre ma bouche pour éviter de tout lui cracher à la face. J'avale ma gorgée, m'étouffant à moitié.

« Pardon ? »

Genre… Vraiment ? Elle va se fiancer et se marier avec un inconnu ? Mais c'est quel genre de mode de vie moyenâgeux, ça ?

« Un mariage arrangé ? Ça existe encore ces merdes ? »

Oh non, je m'attendais pas du tout à ça et je suis assez outrée pour elle. A la tête qu'elle a fait et au ton qu'elle a employé pour me répondre, je me doute bien qu'elle n'est même pas vraiment d'accord pour ce genre de chose. Mais c'est… Horrible ! Je veux dire… Merde, on est en 2021, non ? On ne vend plus ses enfants par intérêt ou pour conserver une lignée de riches… C'est dépassé. Enfin… C'est ce que je croyais mais apparemment je me suis plantée. Je crois qu'à sa place je deviendrais dingue.

« Oh, non… Enfin. Certaines prennent le risque et font leurs bails en cachette mais… Techniquement, quand tu signes ton contrat d'hôtesse, il y a une sorte de clause d'exclusivité dedans, tu vois le genre ? »

C'est pas vraiment l'idéal, mais je trouve ça toujours mieux qu'un mariage arrangé je crois… Après c'est que mon point de vue. De toute façon, c'est pas comme si j'étais folle amoureuse de quelqu'un ou que je savais ce que c'était d'être avec quelqu'un, alors… On va dire que je le vis très facilement actuellement.
J'attrape le verre de saké et je le bois en un coup aussi, ça brûle un peu la gorge mais j'ai clairement l'habitude de cette sensation. Le saké, c'est probablement ce qu'on nous sert le plus au club, commande des clients.

« Mais… T'as pas moyen de te sortir de cette histoire de fiançailles et tout là ? » je finis par lui demander. « Et si à un moment tu tombes amoureuse de quelqu'un..? »

Noriko ne peut que approuver ce que Chiemi lui dit, ces brochettes sont bien trop bonnes. Mais alors qu'elle était de nouveau de bonne humeur, après avoir un peu boudé lorsqu'elle s'était brûlée, elle reçu la question à ne pas poser, surtout en ce moment. Avait-elle un copain, à proprement parlait non, mais bientôt, elle aurait un fiancé. Elle répondit à Chiemi abattu qu'elle allait se fiancé à un inconnu. Voyant la réaction outré de l'Hôtesse, ça lui réchauffa le coeur, elle n'était donc pas la seule à trouver cette situation complètement ridicule et moyenâgeux.

- Un mariage arrangé ? Ça existe encore ces merdes ?
- Ma mère pense que oui.

Là, tout de suite, elle détestait sa mère et sa grand mère, elles étaient tellement pleines de principes, devoir se marier quand on a 25 ans, rester à la maison pour s'occuper du foyer, avoir des amis de sa classe sociale, certaines personnes étaient heureuses dans ce mode de vie, mais ce n'était pas pour Noriko, elle aimait l'aventure et deviendrait folle à vivre comme sa mère. Elle commanda deux sakés, elle avait besoin d'un remontant et aussi d'oublier un peu ses soucis, au moins pour ce soir. Elle demanda à Chiemi si elle avait un copain elle.

- Oh, non… Enfin. Certaines prennent le risque et font leurs bails en cachette mais… Techniquement, quand tu signes ton contrat d'hôtesse, il y a une sorte de clause d'exclusivité dedans, tu vois le genre ?

Ouais, elle voyait un peu, un peu moyenâgeux ça aussi, mais au moins, elle pouvait sortir de ce contrat en arrêtant d'être hôtesse.

- Oui, je vois, pas très moderne non plus, mais au moins, tu peux rompre le contrat en arrêtant d'être hôtesse, non ?

Pour Noriko, ce sera plus compliqué quand elle sera mariée, le divorce était bien plus couteux, ça dépendra aussi des closes du mariage. En vrai, elle allait elle aussi devoir signer une sorte de contrat, un contrat l'obligeant à changer son nom de famille, de maison et de devoir vivre avec un inconnu. Elle continua à grignoter sa brochette, elle n'avait même plus très faim, mais heureusement, elles étaient bonnes.

- Mais… T'as pas moyen de te sortir de cette histoire de fiançailles et tout là ? Et si à un moment tu tombes amoureuse de quelqu'un..?

Elle s'était évidemment aussi posée ces questions, elle avait quelques plans de prévu pour annuler ses fiançailles, manquait plus qu'elle mette tout ça à exécution. Et pour tomber amoureuse, ça ne lui était jamais arrivée, elle avait évidemment eu quelques crush dans sa vie, mais jamais au point où elle en oublie de se nourrir. Elle répond déterminée :

- J'ai quelques plans oui, pour l'instant, je vais jouer le jeu de ma mère   elle dit doucement en pinçant les lèvres d'agacement : parce qu'ou si non, elle me coupe les vivres   puis elle reprit avec un peu de malice : Je vais essayée de dégoûter mon futur fiancé de me connaître, ainsi, ce ne sera pas moi qui annulera les fiançailles et ma mère ne pourra pas me le reprocher ! Ca me donnera peut être le temps de terminer mes études et faire ma propre vie.

Elle termina sa phrase avec de l'espoir dans sa voix. Elle n'avait pas encore tout abandonné, même si elle était toujours dégoûtée de devoir jouer le jeu au moins quelques temps, elle avait prévu quelques trucs à faire. Elle était moins abattue qu'un peu plus tôt, surement le saké et la bière qui commençait à marcher, ses joues étaient aussi plus chaude, elle fit signe au cuistot qu'elle voulait encore des verres de saké, ce n'était pas une bonne idée, elle connaissait pas bien le quartier et n'arriverait surement pas à trouver le chemin jusqu'à Todai, mais c'était pas grave, elle appèlerait un taxi. C'est là qu'elle se rappela de la seconde partie de la question de Chiemi, et si elle tombait amoureuse... Ok, oublier une question alors qu'on venait de lui poser, elle commençait vraiment à devenir pompette, mais elle avait encore aucune difficulté à articuler ses phrases, ça allait donc encore :

- Je ne suis jamais tombée amoureuse encore, c'est trop compliqué l'amour, je ne pense pas que ce soit pour moi... Et toi ? Tu as déjà succombé à un client ou peut être une cliente ?

Elle termina sa question avec un sourire en coin, elle fit exprès de dire cliente en retour à leur première interaction qu'elles avaient eu un peu plus tôt dans la soirée. Le cuistot déposa les deux nouveaux verres de saké devant elles, Noriko hésita un peu avant de prendre son verre se demandant si c'était une si bonne idée de le boire. Elle demanda à Chiemi :

- À ma dernière soirée de célibataire ?

Puis, elle but son saké d'une traite et comme un peu plus tôt, elle se mit à tousser. Elle d'une voix toujours rauque à cause de l'alcool fort :

- Si tu as des idées pour que malmener mon futur fiancé, je suis preneuse.