Au coeur de Tokyo, se trouve la prestigieuse université, Todai, une des plus grandes fiertés du Japon. Les étudiants les plus doués viennent y étudier, venant parfois des quatre coins du monde, afin de s'assurer un avenir brillant.Mais en 2017, à la surprise du pays, ce trésor national éducatif fut racheté par un mastodonte de la finance du nom de Sakamoto Yuichi. Todai est donc devenue au regret de tous, une université privée. Au fil des trois dernières années, on a pu voir plusieurs changement, devenu plus élitiste et couteuse, Todai accueil maintenant principalement des élèves venant de familles aisées, il est devenu rare de voir des boursiers parcourir les couloirs de l'école.→ Connaître la suite
Panneau d'affichage
nouveautés
Les dernières nouveautés sur le forum
17.02.2021 Une mise à jour a été réalisée, laisse ton commentaire ici.
Les lumières se reflétaient sur l’eau et donnaient une impression d’un monde à l’envers. Cette image me questionna. Et s’il existait un monde avec une dimension différente de la nôtre ? Un upside down. Et dans celui-ci, y avait-il un autre Noguchi Haiko, semblable à moi ? Assis sur la pelouse, le long du fleuve Sumida dans l’arrondissement Arakawa, je fixais ce paysage depuis plus d’une heure déjà. Quelques grandes canettes de bière m’accompagnaient dans cette évasion spirituelle. Une était renversée, une autre serrée au creux de ma main droite et les autres se superposaient dans un sac plastique. Face à l’idée d’un autre univers en parallèle, je posais le haut de ma tête contre le sol et je tentais de tenir en équilibre, les bras tenant mon maigre corps à l’envers. De ce point de vue, le monde était différent.
Le sang remontait petit à petit au cerveau et mes yeux se teintaient de plus en plus de rouge. Les vaisseaux de mes orbites étaient déjà explosés par le manque de sommeil. Malgré la petite douleur que je ressentais, cette sensation du cerveau qui se compressait lentement me fit frémir d’excitation et de curiosité. Jusqu’où pourrais-je tenir ainsi ?
Au loin, une silhouette ressortit du paysage. Elle avançait d'une démarche bancale dans ma direction. Gardant la même position, du bouddha inversé, je plissais les yeux pensant rencontrer quelqu’un de l'au-delà. Immobile et silencieux, je ne voulais pas l’effrayer. La rencontre avec l’inconnu que je fantasmais allait peut-être enfin se réaliser.
Je viens en paix. Disais-je d’une voix rauque afin d’établir un contact serein et sans violence. Le but était de clarifier ma présence qui était purement pacifique et que je voulais simplement échanger avec cette créature que je percevais floue à cause de l'alcool et du sang qui se dirigeaient dans le mauvais sens de mon corps.
Le front plissé, les sourcils froncés, la démarche bancale, il avance dans la nuit, Ikkô, retirant sa veste pour la déposer sur son épaule. Les bras en croix, il tente d'avancer tout droit, bien droit, sur le rebord du trottoir, un demi-sourire tracé sur ses lèvres. On le regarde avancer, Ikkô, on s'interroge sur sa dégaine, sur ses cheveux décolorés. Mais qui le connaît vraiment, Ikkô ? Mais ce soir, c'est peut-être un soir tout particulier, parce qu'il s'en moque. Cela ne lui traverse qu'à peine l'esprit avant de s'échapper dans le ciel à peine éclairé. Ses pas l'entraînent, il se laisse porter ; emporté par la brise. Il respire à plein poumons alors que ses veines tentent d'assimiler les effluves de l'alcool qu'il a bu. Un verre, deux verres, et après ? Ses amis ont voulu joué, et c'est lui qui a gagné. Gagné simplement le droit de rejouer. Son coeur se serre, à Ikkô, tandis qu'il entend une voix qui l'appelle, non loin. Alors il hausse les sourcils, cette fois, se demandant qu'un bref instant qui peut bien être encore plus saoul que lui pour se tenir sur la tête. A moins que ce ne soit Ikkô qui marche à l'envers ? Le jeune homme s'avance vers la fausse statue de l'homme, cette divinité en laquelle il croit ; et pourtant. Il s'agenouille en tournant sa tête vers le visage de son interlocuteur. « Eh, mec, je crois que ton cerveau va finir par exploser si tu restes encore comme ça. » Mais il ne fait rien, Ikkô, pour l'aider. A vrai dire, l'idée de le pousser pour qu'il retombe à l'endroit l'a effleuré, mais pourquoi ferait-il cela ? Si l'autre désire voir le monde sous un angle différent, il n'a pas à le résonner. A la place, il abandonne un soupir, se laissant tomber sur l'herbe en étirant ses bras au-dessus de sa tête. « Je pensais pas trouver quelqu'un encore plus bourré que moi. » Et ses prunelles se dirigent vers la rivière, en contrebas. L'eau semble calme, paisible, elle suit son court. « Il t'en reste une ? » demande-t-il en désignant les nombreux cadavres de bières qui s'étendent autour de son interlocuteur.
La créature de l’autre monde parlait la même langue que moi. Elle me prévenait que mon cerveau allait exploser si je restais dans cette position. Était-ce dû à une gravité différente entre nos deux mondes ? Le passage entre les deux était tellement brutal que cela aurait des effets sur moi, physiquement ? C’était impressionnant.
Il parlait de mon état qui pourtant n’était pas ce qu’il croyait. Tout à coup, l’équilibre se détacha de mon corps pour le laisser s’écrouler sur l’herbe humide. En étoile, je restais allonger les yeux fermés. Je sentais le sang redescendre et j’avais la tête qui tournait. Une sensation assez amusante. Je reniflais du nez ayant l’impression que du sang en coulait. Un seul œil s’ouvrit par curiosité. Je voulais vérifier si l’inconnu était toujours à mes côtés. C’était le cas. Du coup, un doute piqua mon attention. Étais-je atterri dans l’autre monde ou bien, c’était lui, qui faisait partie du mien ? La question complexe me tiraillait le crâne. Mes mains vinrent empoigner ma chevelure décoiffée, tourmenté. Non, il me semblait être encore bloqué dans cette foutue réalité. J’ai bu qu’une bière. Les deux yeux ouverts, je regardais les étoiles scintiller faiblement dans le ciel obscur. De part leurs différents mouvements de luminosités, je m’imaginais qu’elles me chantaient l’opéra O Mio Babbino Caro de Puccini. Lorsque la luminosité était forte, la note était haute. Lorsqu’elle était faible, le chant se poursuivait à la gamme majeure des violons.
Après deux bonnes minutes, affalé sur le sol, je décidais enfin de me relever tout en gémissant d'agacements. Je fis craquer ma nuque en la tordant dans tous les sens. Sers-toi, y’en a qu’une de vide. Disais-je avec le front plissé à cause de mon air renfrogné. Lance-moi s’en une. Je m’étirais les bras en arrière tout en poussant encore d’autres gémissements. L’atterrissage était des plus compliqués.
Il me lança la bière que je réceptionnais d’une main. Je l’ouvris et bien évidemment, avec la pression, le liquide explosa un peu partout. J’en avais sur les vêtements et le visage et la mousse continuait de couler. Rapidement, j’apportais le trou dans ma bouche afin d’aspirer un maximum de bière possible. Je sentais les bulles me monter au nez ce qui me fait doucement rire. Une fois que la mousse cessa de s’échapper, je poussais un gros soupire de plaisir. Les bras appuyés en arrière, je prenais le temps, que maintenant, de mieux observer le mec. Ah ! Criais-je d'une voix éraillée, la bouche bien écartée. La tête d’œuf décolorée ! Je l’avais reconnu malgré mon absence de mémoire pour me rappeler des gens. Plusieurs fois, je l’avais retrouvé dans des coins paumés ce type. J’connaissais pas son nom, mais bien la puissance de ses poings. C’était un dur à cuir ce gamin, d’où le surnom de tête d’œuf. T’as perdu ton chemin ? Qu’est-ce qu’il foutait à Arakawa ? Il errait tel un cafard comme moi ? “Le cafard est un besoin d'aimer que seul un baiser peut apaiser.”
Et qu’importe, finalement, que la tête explose. Que la terre implose. Que tous les nuages s’enlisent et s’éternisent. Que les âmes brisées s’effacent ou se reconstruisent.
Aujourd’hui, il n’en a plus rien à faire, Ikkô. Il veut juste se laisse emporter par la brise du vent, par le froid mordant sa peau au travers de ses vêtements. Il désire juste imaginer comme la vie aurait pu être si elle n’était pas celle-ci aujourd’hui. Alors le coude s’est levé, les verres se sont apportés à ses lèvres tout comme ces sourires qu’il a pu offrir. Est-ce bien cela, vivre pleinement sa vie d’étudiant ? Les doutes l’envahissent et le submerge alors qu’il hausse les épaules en réponse à son interlocuteur. Une bière ou deux, quelle importance. « T’as décidé de faire l’école du cirque ? » Et pourquoi pas. Dans le fond, les ambitions des uns ne sont pas toujours celles des autres. Ikkô aime l’art, il l’apprécie jusqu’à un certain point. Gamin cassé, brisé. Il frotte son visage en reportant son attention sur son aîné, il s’en doute. Il se sert dans sa poche en plastique tout en lui envoyant une également. Si Ikkô parvient à ouvrir l’alcool sans aucun problème, cela semble être différent pour le brun. Mais le monde paraît toujours plus beau quand on l’a regardé la tête à l’envers. Peut-être qu’il devrait essayer aussi, Ikkô. « J’ai vu ta tête de pioche qui me regardait à l’envers, c’est pas comme ça que tu vas crever, mec. » Quoique. Le sang peut vite monter au cerveau et envahir toutes les zones qui l’oxygène. Sauf que ce serait idiot de crever la tête en bas, les jambes battantes en l’air. Idiot, et loin d’être très artistique. Ikkô abandonne un léger rire à cette pensée, buvant une gorgée de sa canette avant de reprendre la parole. « C’est peut-être toi que je cherchais pour te refaire le portrait, comme l’autre fois. Et toi, le singe ? » La réalité étant qu’ils se refont souvent le portrait l’un de l’autre. A croire qu’ils ne peuvent pas s’encadrer alors qu’ils ne se connaissent qu’à travers les coups échangés. Ikkô laisse son corps s’avachir un peu plus dans l’herbe humide, frissonnant à peine grâce aux effluves de l’alcool qui coulent dans ses veines. Un sacré avantage. Mais il n’est pas saoul ; du moins, pas complètement. Il a encore sa conscience. Les coudes rejetés en arrière pour surélever son torse, il s’abîme dans ses pensées, Ikkô. « Des fois, je me dis que tout ça, c'est complètement bête. » Songes avortés dans une gorgée de bière.
Un petit rire s’échappa de mes lèvres face à la réflexion sur l’école du cirque. Après tout, Todai ne serait-elle pas une université de grand spectacle ? Avec tous les gamins de bourges qui se la jouent et qui se croient les rois du monde avec l’argent de leurs parents. De beaux clowns qui enfilent un déguisement dès qu’ils sont entourés pour gagner des points en popularité. Un show qui va vous jeter des paillettes dans les yeux, un show qui va vous surprendre pour son faux-semblant.
Je soupirais de fatigue. Effectivement, je n’allais pas réussir à crever facilement dans cette position bancale. C’était plus douloureux qu’agréable. Mon envie de suicide était forte et précise. Je voulais partir facilement et poétiquement. D’où le suicide amoureux que j’espérais tant, mais qui ne semblait pas se présenter sous peu.
La bière dans la main, je me relevais le corps lourd et déséquilibré. En marchant quelques pas, je m’approchais de la tête décolorée. Entreprenant, je me mettais au-dessus de lui, les jambes légèrement écartées, au-dessus des siennes allongées. La tête penchée en arrière, j’avalais maladroitement plusieurs gorgées de bière et m’essuyais la bouche avec la manche de ma veste. Tout à coup, je laissais l’apesanteur m’écraser pour m’asseoir sur lui et face à lui. J’crois que mon portrait est déjà assez bien chargé, mais si tu veux rajouter une couche sur la toile… Les bras écartés, je l’invitais à me frapper. Fais toi plaisir mon joli !
Accueil
