Fight & Farine Ft Junpei

On racontait que Ginza détenait les meilleures enseignes de cuisine sur Tokyo. C'était fort probable, étant le coin le plus huppé de la ville, on pouvait certainement y trouver de tout. C'était pour cette raison que la Directrice du Maid Club avait profité du jour de repos de Nanako pour l'envoyer aller chercher de nouveaux produits de cuisine. Les pâtissiers faisaient de nombreux gâteaux aussi originaux les uns que les autres, mais elle voulait ajouter quelque chose en plus que les autres maids café n'avaient pas. De l'originalité, ou plus de qualité. Elle avait entendu parler de cette farine française que les meilleurs pâtissiers utilisaient dans leurs douceurs, et depuis elle s'était mise en tête de l'essayer. Si elle rendait les gâteaux encore meilleurs, elle y mettrait le prix ! Rien n'était trop bon pour la clientèle du Maid Club.

Nanako était alors entré dans ce magasin où plusieurs français lui faisaient de grands sourires. Elle avait passé une bonne demie heure à regarder les produits et à être conseillée pour ses propres recettes, car elle avait beau être douée en cuisine, la pâtisserie chez elle n'était pas encore très au point. Une fois quatre paquets de farines dans son sac, elle quitta la boutique avec un sourire et tenta de rejoindre le train. Dès demain, elles essaieraient les nouveaux gâteaux toutes ensembles et prendraient une décision. Alors qu'elle tentait de rejoindre le train, Nanako regarda perturbée autour d'elle. Toutes ces enseignes ne lui disaient rien, elle s'était encore égarée. C'était toujours le cas quand elle venait à Ginza. La nuit commençait à tomber et elle avait une folle envie de biscuits au miel là tout de suite. Elle en avait essayé chez elle mais ne les avait pas encore goûté depuis ce matin.

La maid prit une petite ruelle, regardant encore autour d'elle à la recherche d'une indication pour les trains. C'était décidé, la prochaine fois qu'elle viendrait à Ginza, ce serait avec une ou deux collègues, au moins elle n'aurait plus la moindre chance de se perdre avec elles. Mais quand elle entendit une voix l'interpeller, elle se retourna et tomba nez à nez avec trois jeunes hommes. Jeunes... Pas si jeunes que ça, ils devaient avoir dépassé la trentaine. Immédiatement, Nanako fit un mouvement de recul. Après avoir travaillé pendant trois ans au beau milieu des sombres rues de Kabukichô, elle avait un flair inégalable pour les types louches. Et eux, avec leurs vêtements débraillés et leurs sourires malsains, ils étaient tout sauf commodes. Nanako les ignora et continua son chemin un peu plus rapidement, mais son bras fut brutalement saisit. Systématiquement, elle donna un grand coup de sac d'au moins six kilos de farine sur la tête de celui qui tentait de l'attraper. La tête endolorie, il la lâcha immédiatement, mais les deux autres s'emparèrent d'elle et firent tomber son sac. Prête à tout donner pour se défendre, Nanako poussa un grand hurlement avant d'exploser un paquet de farine sur le crâne de l'un d'eux. Tout devint blanc comme la neige, elle, les deux types qui la tiraient vers le mur, le sol.

- Au secours !! Aidez-moi !!!

Les samedis matins. La longue nuit et la petite matinée. Il les aimait plus que tout. Ne devoir parler à personne, ne devoir voir personne, seulement lui et sa solitude. C’était ce qu’il préférait. Le soir il allait faire un tour au clan, souvent il avait quelques petites missions à accomplir. Des passes ou des passages à tabac. Ce genre de trucs qui font de vous quelqu’un de peu fréquentable.

Au fond, il savait qu’il était un type louche malgré sa gueule d’ange. La journée c’était le type passe-partout qu’on savait sauvage mais qu’on aimait bien quand même. Parce qu’après tout, il était sympa, enfin, c’est ce qu’on disait.
Le soir c’était ce monstre qui arpentait les rues de Tokyo, faisant régner la terreur sur ceux qui ne respectaient pas les règles du clan. Combien de fois avait-il sauvé ses filles de clients trop entreprenants ? Après tout, c’était son rôle.

Rares étaient les choses qui pouvaient le faire sortir de ses gonds, mais ses filles, ou toutes les femmes en général, il ne valait mieux pas y toucher quand il était dans les parages. Son respect pour la gente féminine était inégalable. Il avait été bien éduqué sur ce point là. Sa mère lui avait toujours enseigné d’être droit dans ses baskets avec les demoiselles. Souvent, elles ne demandaient pas grand-chose.

Aussi, ce soir-là, alors qu’il marchait tranquillement dans la rue pour rejoindre le clan, le cri de détresse d’une inconnue lui fit dresser les oreilles, tel un molosse prêt à attaquer. Ses instincts primaires ressurgirent, et une vague de colère l’envahit. Ce genre de rage qui vous rendent fou, à taper sur tout ce qui bouge.

D’un pas furtif, il s’approcha des deux mecs qui tenaient la jeune demoiselle, et leur asséna un coup dans la mâchoire d’une violence inouïe. Tous deux s’effondrèrent au sol. D’une main de fer, il agrippa le bras de la jeune femme, et la fit passer derrière lui. Leurs regards se croisèrent. Un instant, elle pu entrevoir une lueur rassurante, mais le feu qui s’embrasait en lui lui rendit son air sauvage, féroce.

Encore sonné, l’un des deux types sembla tenter de se relever en insultant Junpei. La rage si intense qui le dominait lui dicta de le tuer. Il voulait le voir saigner.

Un coup, deux coups, trois coups. En plein visage, les dents cassées, le nez pété. Le dernier qui avait reçu un coup de sac s’était vite fait la malle tandis que le second restait terrorisé en voyant son pote se faire massacrer. Il n’arrivait pas à s’arrêter, la colère était bien trop forte, mais au fond de lui, il savait qu’il avait raison. Il ne fallait pas laisser ces pourritures vivre sur terre trop longtemps. Parce que s’il n’avait pas été là, que serait-il advenu de cette jeune demoiselle derrière lui ? Qu’en auraient-ils faits ? Ne recommenceraient-ils pas avec une autre ?

Ses valeurs étaient justes pour lui. Il se sentait légitime en cet instant. Il trouvait normal d’éliminer cette vermine qui courrait les rues. Et il enchaînait les coups, sur l’un et sur l’autre, les faisant baigner dans leur sang. Sa respiration était haletante, des gouttes de sueur perlait sur son front. Lui qui était d’un naturel si calme, si docile avait totalement perdu le contrôle. Il n’y avait rien de plus dangereux que de le pousser à bout.

Nanako n'avait jamais subit d'agression de sa vie, pas même une seule fois. Ni à Osaka, ni à Akihabara, ni même à la pourtant si obscure Kabukichô. C'était la première fois qu'elle se faisait brutaliser par quelqu'un. Elle n'était pas sûre de comprendre ce que ces hommes voulaient, si c'était du vol, ils se seraient juste enfuis avec son sac. Pour sûr, ils attendaient plus de la part de la jeune fille, et ce fut à cette idée que Nanako se défendit comme la lionne, que malheureusement elle n'était pas. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'est hurler et se débattre, priant que quelqu'un entende son appel à l'aide. Après tout, elle ne se trouvait pas loin de la rue principale... Puis soudainement, elle vit cet homme surgissant de nulle part, avançant rapidement vers eux. Et tout de suite, elle comprit qu'elle était sortie d'affaire. Ils n'eurent même pas le temps de réagir : l'inconnu les saisit un à un avant de leur mettre un coup de poing si violent, que Nanako en sursauta à chaque fois, fermant les yeux à moitié.

D'accord, ce type avait une sérieuse poigne, bien plus sérieuse que celle de ses agresseurs. Ils ne pouvaient pas faire le poids, même à trois, d'autant plus que le premier commençait à se carapater la main sur le crâne. Il plaça la maid derrière lui comme pour la protéger. C'était juste passer d'une extrême à une autre. Ce gars était-il un ami proche de John Wick ? Il semblait comme sorti tout droit d'un écran de cinéma, et ses yeux étaient tel celui d'un frère près à tout pour protéger sa soeur en danger. Ce fut comme si elle ne risquait plus rien, alors que le danger était encore là. L'un d'eux commençait à jurer sur le sol contre le nouveau venu, et ce fut le drame.

Ce type n'était pas normal, c'était certain. La manière dont il s'était jeté sur le bourreau devenu victime, fit froncer les sourcils à Nanako. Des questionnements lui remplirent la tête, alors que se dandinant sur ses deux pieds, elle n'avait pas la moindre idée de quoi faire. Il était comme enragé, frappait et frappait encore, comme s'il n'avait jamais prévu de s'arrêter. Petit à petit, elle voyait le visage de celui qui se trouvait en dessous de lui, se ternir et se briser. Elle avait même cru entendre des craquements sous quelques coups. Son nez était de travers et sa bouche était complètement ensanglanté.

- Arrêtez...!

Tenta-t-elle de crier, paniquée. Voulait-il le tuer ?? L'autre voyou restait immobile, terrorisé par la peur avant de s'enfuir, laissant son compère qui poussait des hurlements de souffrance et de peur. L'homme qui était pourtant venu la sauver, était devenu une bête sauvage, il était plus violent à lui tout seul que ces trois abrutis réunis. Il semblait si prit et déterminé à défoncer ce bandit, que Nanako fut saisit un moment donné par la peur, éprouvant à présent de l'inquiétude pour lui plutôt que du dégoût. Mais que faire ??? L'approcher n'était pas une bonne idée si elle ne voulait pas être blessée !

- Arrêtez, arrêtez s'il vous plait !!

Elle se pencha au sol et saisit un sac de farine avant de l'ouvrir et d'en jeter tout le contenu sur son sauveur, espérant que ce soit suffisant. Elle tira ensuite le bras du blessé pour le libérer, ce dernier étant passé des cris aux larmes et maintenant aux excuses les plus plates qu'il n'ait jamais présenté de sa vie. Il s'enfuit ensuite en boitant, tandis que Nanako garda les yeux sur le brun, se demandant que faire à présent. Il avait de la farine partout. Elle espérait qu'il ne le prenne pas mal... C'était tout ce qu'elle avait trouvé pour le perturber et tenter de libérer l'autre idiot. Elle inspecta son visage, préférant garder un certain périmètre de sécurité, à la recherche d'une expression.

- Pardon... Vous allez bien...? Vous m'avez fait peur...

Se triturant les doigts, elle ne put ensuite remarquer toute la farine étalée par terre. Elle qui les avait acheté exprès pour le Maid Club... Au moins, il resterait deux paquets. Quoiqu'il en soit, c'était son jour de chance, si cet homme n'était pas venu l'aider, elle aurait put se faire tabassée voire violée. Elle devait le remercier comme il se devait. Aussi bizarre qu'il pouvait se démontrer... Quelque chose lui disait que pour être aussi doué en combat et violent, cet homme ne devait pas être à sa première fois.

- Merci...

C’était comme une alarme qui hurlait dans sa tête. Tuer, tuer, tuer, tuer. Encore et toujours. Cette même alarme qui se mettait en marche lorsqu’il rentrait au clan. Le gentil et discret Junpei avait les mains tâchées de sang depuis des années, mais après tout, c’était la vie qui lui était destinée. Alors une victime de plus ou de moins. Celle-ci l’avait bien plus mérité que les autres. Que de nombreux gars qu’il avait égorgé, étripés au détour d’une ruelle. Cette fois-ci c’était légitime, et il en avait le droit.

Mais il y avait cette femme. Et silencieusement, il s’était juré de la protéger. De faire en sorte qu’il ne lui arrive rien. Ses hurlements lui paraissaient lointains, mais peu à peu, l’alarme se taisait, tant et si bien que ses coups ralentissaient. Il l’effrayait, et il s’en rendait compte. Mais c’était trop tard à présent, le fauve en lui était sorti de la cage. Et pourtant, elle semblait le rappeler à la réalité, comme la douce voix de sa mère lorsqu’il étranglait ses camarades sur le terrain de jeu. D’ailleurs ils avaient eu beaucoup de problèmes à cause de ça. Mais, ça ne lui avait jamais servi de leçon, pas même aujourd’hui.

Il ne craignait pas particulièrement la police, le clan avait le bras long, il serait sorti de toutes les emmerdes. Mais ce qui le faisait chier à cet instant précis, c’était cette demoiselle qui semblait effrayée. Alors, avant qu’il n’arrive à s’arrêter, un nuage de poussière l’aveugla, le faisant reculer de quelques mètres, et éternuer. Qu’est-ce que ?

Lorsqu’il récupéra la vue, il se rendit compte être couvert de farine, et se retourna vers la jeune femme qui aidait son assaillant, un regard d’incompréhension fixé sur le visage, et un air totalement hébété. Etait-il en train de rêver ? L’avait-il tant effrayé que ça.

Pour la première fois de sa vie, il fut pris de remords. Mais pas au point d’en avoir mal au ventre. Plutôt un léger regret qui se fit vite oublié, comme un vieux souvenir douloureux. Puis, elle s’excusa, et la voyant le paquet de farine vide entre les mains, il comprit qu’elle l’avait aveuglé. Il esquissa d’abord un large sourire derrière ce masque blanc. Puis, un petit gloussement s’échappa d’entre ses lippes claires, et il fut prit d’un fou rire incontrôlable. Chose qui ne lui arrivait pour ainsi dire, jamais. La voir toute penaude en face de lui, lui-même recouvert de farine ne pouvait que le faire rire sans s’arrêter. Elle était mignonne, probablement un peu naïve. Il se retrouva à éprouver un peu d’affection pour elle.

Puis, il se calma. Il lui avait fait peur, il s’en était bien rendu compte, mais sa perte de contrôle l’avait empêché de réagir avant.


Il avait été distrait par la ruelle dans laquelle ils se trouvaient. C’était un quartier très mal famé, et il était franchement étonné de voir une si jeune demoiselle y traîner. Mais il ne poserait pas de questions, il se contenterait de l’escorter jusqu’au plus proche de chez elle pour ne pas qu’elle risque plus de choses.


Bullshit. Il était tout sauf un citoyen modèle. Membre des tréfonds de la société, à qui comptait-il mentir en tenant un tel discours, qui comptait-il convaincre après avoir tabassé un homme qu’il était sur le point de tuer ? Mais ça faisait mauvais genre de dire de rien. Après tout il fallait passer pour un gentleman.


Il retira sa veste pour l’épousseter, et passa une main dans ses cheveux pour enlever la farine. Il n’avait pas demandé à se décolorer les cheveux pour aujourd’hui.

D'abord le silence, puis ensuite, un sourire sur son visage enfariné. Et enfin un rire, un fou rire. Cette fois-ci, Nanako se demanda l'ombre d'un instant si elle ne devait pas courir très très vite face à ce curieux homme qui riait comme si rien n'était alors qu'il avait encore des traces de sang sur les mains, où si elle devait rire avec lui à cause de cette situation cocasse. Celle du sauveur enfariné. Mais vite, le coeur de la brune se calma. Son aura avait complètement changé, il était juste sourire, bienveillance et sympathie. Il avait peut-être dut un peu trop se laisser porter dans ses coups... En tout cas, il ne semblait plus aussi agressif que tout à l'heure. Nanako dressa au final un petit sourire gêné avant de l'écouter : "Excusez-moi de vous avoir effrayé. Ce n’était pas mon but. Comprenez bien que la correction doit être sévère pour ce genre de types…. Si vous ne voulez pas qu’ils recommencent." Il parlait comme un gentleman, un homme de bonnes famille avec de très bonnes manières. Pour sûr, Nanako avait la conviction que ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait dans ce genre de situation. Aucun homme ne se jetait seul contre trois hommes, sans avoir déjà expérimenté la violence auparavant, à moins d'être totalement suicidaire, voire un peu trop zélé pour la gente féminine... Non ?

"C’est mon devoir de citoyen." Avait-il ajouté. Eh bien la légende était vraie. Ce n'était pas simplement Ginza qui était raffiné, mais aussi ceux qui y habitaient. Ce gars devait vivre dans ce quartier riche pour être aussi poli et agréable. Après, pour le devoir de citoyen... Protéger et défendre oui... Casser la gueule... C'était peut-être autre chose, mais Nanako ne s'en plaindrait pas. La chance était beaucoup trop belle, trop pure, pour faire la geignarde plaintive. Elle fit juste une petite courbette de la tête, ne sachant pas trop quoi répondre, quand il continua ôtant sa veste pleine de farine, et se nettoyant les cheveux. "Je vous raccompagne quelque part ? Pour être sûr qu’il ne vous arrive rien de plus grave." Quelque peu rassurée, Nanako s'approcha et l'aida à se défariner, espérant que sa tenue n'avait pas coûté trop cher. Certains bourgeois dans le coin se seraient mis en colère et auraient exigé le paiement du pressing, comme s'ils n'avaient pas un rond pour le faire. Mais lui et sa tête de fils à papa héritier, il semblait n'en avoir rien à fiche.

- Encore désolée, je ne voulais pas vraiment vous salir... Je ne sais pas comment vous remercier, vous tout seul contre ces types... Vous avez pris des risques !

Et en plus il voulait la raccompagner. Si ça ce n'était pas un échantillon d'homme et de gendre parfait, elle ne savait pas ce que c'était dans ce cas. Les femmes de Ginza devaient vraiment avoir de la chance ! Elle grimaça un peu et continua :

- Me raccompagner..., réfléchit Nanako en allant ramasser son sac. Je dois prendre le train. J'habite dans le genre d'endroits où je doute que les hommes comme vous aiment aller... C'est à Shinjuku, Kabukichô. Il y'a des personnes bien plus dangereuses là-bas qu'ici...

Elle posa rapidement sa main sur sa bouche dans un sursaut, avant de s'empresser d'ajouter :

- Je ne suis pas une fille dépravée ! Je ne travaille pas dans des clubs bizarres, je suis juste une maid, et une gentille maid en plus ! Je n'ai jamais fais de choses étranges avec des clients.

C'était important de le préciser, car Kabukichô était le lieu idéal pour tous types d'excès. La prostitution, l'escroquerie et les arnaques, il y'en avait pour tous les goûts, le coin était connu pour ça après tout. Nanako espérait juste que ce gentilhomme ne la voie pas comme une japonaise déchue maintenant qu'il savait qu'elle habitait et travaillait au beau milieu de ce style d'ambiance.
Puis, elle sentit quelques gouttes lui tomber sur le visage. Levant les yeux au ciel, elle remarqua que la nuit s'était déjà bien installée et qu'elle avait ramené la pluie avec elle. Elle ouvrit son sac et en sortit son parapluie, l'ouvrit et le tendit à l'inconnu :

- Tenez, pour rentrer chez vous, vous devez pas être bien loin non ? C'est pour vous remercier de m'être venue en aide. Vous n'allez pas rentrer tout mouillé en plus d'être enfariné. Vous avez de la chance d'habiter à Ginza, c'est joli ! Mais bon, je préfère quand même mon petit Kabukichô avec tous ses défauts... Au début il fait un peu peur mais quand on le connait bien... On ne peut plus s'en détacher.

Elle avait dit ses derniers phrases le regard dans le vague, sur un ton de rêverie. Eh oui, certains avaient déjà tentés de la faire sortir de "cet endroit bizarre et malfamé". Oui, il ne fallait pas mentir, Kabukichô, c'était tout sauf chez les moines. Mais voilà, elle y bossait dans son Maid Club favori, y avait financé son petit studio et croisait tous les jours des clients aussi rigolos que sympas... Et ça, aucun palace de Ginza ne pouvait le lui acheter.

[HRP : N'est-ce pas trop cute, elle le prend pour tout ce qu'il est pas ** C'est pas la fin on continue hein xD Je te laisse faire tout ce que tu souhaites, même prendre le train avec si t'as envie xD]

Il aimait profondément les femmes. D’un amour pur et simple. Sa mère lui avait toujours appris à les respecter, et il avait toujours pris son éducation très à coeur. A la différence de son peur, il était loin d’être misogyne, malgré le contexte dans lequel il avait grandit. Il avait toujours mis un point d’honneur à en faire ses égales. Les rendre supérieures à lui même. Il leur devait allégeance, lui qui avait la force et le courage, et sa mère le lui avait apprit. Elle le lui avait répété toute son enfance.

Il était bien élevé. Lorsque l’on mettait de côté sa froideur et sa nonchalance, Junpei faisait souvent bonne impression. Surtout auprès des femmes. Et particulièrement quand il les sauvait aussi, mais ça c’était assez inattendu.
Les filles qu’il protégeait, qu’il « surveillait » avaient toujours beaucoup d’affection pour lui. Parce qu’il était comme un grand frère. Doux et prévenant.


Il n’en avait vraiment rien à faire. Si la farine ne partait pas, il n’aurait qu’à les jeter et en racheter d’autres. Après tout, ce n’était pas comme s’il finissait les mois sur les rotules.


Il n’y avait aucun ton de reproches dans sa phrase. Il était seulement factuel, mais probablement que ç’aurait été plus agréable avec un sourire. Cependant il avait atteint son quota de joie de vivre, et sa froideur avait repris le dessus. Ce n’était pas méchant ou contre la jeune demoiselle. Il était juste propre à lui-même. Jamais très agréable.


Il voulait lui dire qu’il ne voyait pas pourquoi il ne pourrait pas traîner à Kabukichô, mais son sursaut le coupa dans sa phrase, et il focalisa son attention sur son interlocutrice. Il ne lui serait jamais venu à l’esprit de la juger qu’importe son métier ou ses passions. Il n’était pas de ce genre là, à l’inverse d’une partie de la société nippone. Encore une fois, l’éducation de sa mère rentrait en jeu puisqu’elle lui avait apprit à respecter toutes les femmes qu’importe leur statut. De plus, il fréquentait régulièrement des demoiselles au parcours douteux. Certaines étaient même pour ainsi dire, de très bonnes amies. Il aurait été hypocrite d’accorder de l’importance à qui elle était réellement.


Encore une fois, il n’était pas méchant. Junpei était quelqu’un de très pragmatique. Pour lui ce n’était pas utile de perdre son temps à se faire apprécier de tout le monde, de toute façon, ce serait toujours impossible. Il n’essayait pas d’imposer sa vision aux autres, loin de là. Il cherchait juste à rendre leur monde un peu plus beau.

Quelques gouttes tombèrent sur le visage de Junpei qui sursauta, surpris par la fraîcheur de la pluie. La farine allait coller ce serait un peu plus pénible. Mais contre toute attente, la demoiselle qui se tenait devant lui et dont il ignorait tout, lui proposait son parapluie.


Dit-il simplement. Puis il se saisit du parapluie et se mit à côté de la jeune femme de sorte à les protéger tous les deux. Tout à coup l’averse se fit bien plus prononcée. Sans un mot, Junpei alla s’abriter sous un petit rebord de toiture, intimant silencieusement à la jeune femme de le suivre. Ils attendraient que ça se calme, puis, il la raccompagnerait.


Il n’avait pas du tout pensé à se présenter. Tout c’était fait si naturellement qu’il avait l’impression qu’ils se connaissaient depuis bien plus que quelques dizaines de minutes.
Il envoya un message à l’un de ses gars pour les prévenir qu’il avait eu un empêchement, puis il s’accroupit. L’envie de fumer le démangeait mais il ne voulait pas déranger la demoiselle qui l’accompagnait.

"Mais vous n’avez aucun compte à me rendre mademoiselle. Vous faites comme bon vous semble, je ne suis pas là pour vous juger. Ne tentez pas d’impressionner les gens que vous ne connaissez pas, vous y perdriez de l’énergie. Si j’avais décidé d’avoir une mauvaise opinion de vous, ce qui n’est pas le cas, j’aurai pu trouver n’importe quel problème chez vous. A commencer par vous voir dans une rue aussi sinistre..." Nanako perdit légèrement son sourire et baissa les yeux. Son ton, son langage, quelque chose semblait être un peu différent. Il était froid, sans l'être réellement. Nanako ne sut pas comment décrire cette sensation étrange qui l'envahit quand elle l'écouta. Quelque part, elle avait presque l'impression qu'il ne l'avait absolument pas cru et qu'il la prenait pour une fille de joie de Kabukichô. Pensait-il qu'elle avait menti ? "Je n’habite pas ici." Ah. Il n'était pas de Ginza ? Elle le relooka de haut en bas. Pourtant il en avait la tête, l'attitude et même l'habillement. Sérieusement, il faisait penser à un futur héritier d'une entreprise familiale de parfum de luxe, ou quelque chose comme ça.

Il prit le parapluie et ils allèrent tous les deux s'abriter sous une petite toiture. "Je ne veux pas que vous attrapiez froid. Restons abrités le temps que l’averse se calme pour ne pas abîmer le parapluie, et nous repartirons juste après. Comptez une quinzaine de minutes grand maximum je pense. Je vous raccompagnerai, ne vous en faites pas. Je vais simplement annuler ce que j’avais de prévu ce soir."

- Abimer le parapluie ?? répéta Nanako en riant. Eeeh, un parapluie est fait pour se protéger de la pluie. Vous n'êtes vraiment pas de Ginza ? Vous avez d'excellentes manières... Je ne veux surtout pas perturber votre programme du soir.

Cela dit, ce n'était pas forcément parce qu'une personne vivait à Ginza qu'elle était bien élevée ! Des riches péteux, prétentieux et arrogants, y'en avait aussi et elle en avait rencontré une petite poignée pendant son travail. Sur le coup, elle se demandait dans quoi il travaillait. Elle était convaincue que Ginza pas Ginza, cet homme était riche. Elle le trouvait bien trop raffiné pour être une personne avec un statut ordinaire.
Alors que la pluie prenait en longueur et qu'il s'était accroupi, Nanako soupira et sortit de son sac son paquet de cigarettes. Elle en tira une entre ses lèvres puis l'alluma, avant de tendre le paquet à son sauveur de la soirée. Elle ne savait pas s'il fumait. Peut-être bien que non. Il parait que les héritiers riches évitaient de faire ce genre de choses en public pour garder une bonne image d'eux mêmes. C'est ce que certains clients lui avaient dit au Maid Club.

- Avec toutes cette farine gaspillée, la Directrice va me passer un savon demain..., dit-elle en soufflant un filet de fumée. Elle coûte super chère, c'était pour essayer de nouveaux gâteaux. Moi qui voulait lui demander si je pouvais en prendre un peu pour pâtisser chez moi... J'adore cuisiner, je suis un cordon bleu, mais j'ai encore des difficultés en pâtisserie.

Elle inspira à nouveau sur sa dose de nicotine et reposa les yeux sur l'homme.

- Et vous, vous faites quoi dans la vie ? Excepté frapper les méchants ? Vous auriez vraiment dut faire policier, vous auriez eu du talent.

En le regardant un peu mieux, Nanako remarqua enfin un détail. En plus d'avoir beaucoup de classe, il avait aussi un beau visage. Un très beau visage. Pourquoi ne le remarquait-elle que maintenant, allez savoir. Peut-être l'adrénaline ? Il devait avoir pas mal de femmes qui tournaient autour de lui, c'était certain, surtout avec ces jolies manières et la façon dont il la traitait. Peut-être qu'il faisait pareil avec toutes les autres.

La remarque de la jeune fille lui avait semblé stupide. Il avait juste essayé d’être sympathique pour ne pas qu’elle abîme ses affaires et voilà qu’elle le prenait pour un gros con, ce qui ne l’enchantait pas particulièrement. Mais il n’y prêterait aucune attention. Il avait l’habitude des gens qui le prenaient pour un imbécile, ou un extra-terrestre. Il ne faisait rien non plus pour ne pas que ça arrive.


Il marqua de nouveau une pause, comme s’il prenait le temps de décortiquer toutes les informations qu’il allait donner, et toutes les informations qui lui avaient été données. Ce n’était pas bien grave pour ce soir. Lui qui était toujours présent et ponctuel pouvait bien se permettre une soirée d’absence. Ils n’allaient pas en mourir. Ils étaient tous adultes.


De toute façon, ça devait aller. Il ne la laisserait pas seule dans de tels quartiers de Ginza. C’était d’ailleurs assez étonnant qu’elle ai réussi à se mettre dans un tel pétrin par ici. Seul les plus aguerris arpentaient ces rues à la réputation sinistre.

Il fut assez surpris de la voir lui tendre une cigarette. Il faisait partie de ces gens pour qui les femmes ne fumaient pas. Il avait été éduqué comme ça après tout. Mais il en prit une, en hochant la tête pour remercier la demoiselle. L’envie de tirer une latte était trop insistante pour qu’une quelconque pensée négative ne lui traverse l’esprit. Il était pour ainsi dire soulagé. Il ne fumait pas souvent, seulement après de grosses colères, il avait tendance à avoir besoin de cette bouffée de nicotine pour atterrir de nouveau sur terre. C’était son truc à lui.

Il l’écouta parler en hochant la tête. Il ne savait pas vraiment quoi répondre, mais il lui montrait qu’il l’écoutait avec attention. Junpei ne parlait jamais pour rien dire. C’était une bien trop grosse perte de temps. Et puis, la plupart des gens s’en accommodaient très bien et faisaient la discussion à sa place. Mais elle le questionna, et il n’était alors plus question d’être silencieux.

Il eut un sourire presqu’invisible lorsqu’elle lui dit qu’il aurait pu faire policier. Etant donné son statut c’était quelque chose de plutôt ironique.


Il alluma sa cigarette après avoir joué plusieurs minutes avec cette dernière, comme hypnotisé par ce qu’il avait entre les doigts.
C’est vrai qu’il aurait voulu aller dans l’espace. Que c’était son rêve d’ado. Mais très vite la réalité l’avait rattrapé, et il n’avait pas eu l’occasion d’avoir la tête dans les étoiles. Il ne l’avait jamais eu cette possibilité, malgré ce qui ressortait d’habitude de lui.


Un sacré pedigree pour un jeune homme de vingt-huit ans. Il n’avait pas franchement de mérite. Malgré des résultats excellents tout au long de sa scolarité, c’était surtout ses relations qui avaient favorisé son avancée dans le milieu. Il n’y avait vraiment pas de quoi être fier.

"J’ai reçu une éducation stricte. Mais je suis de Shibuya en réalité." Alors il était de Shibuya... Nanako ne se rendait jamais dans cet endroit. C'était le grand rendez-vous des jeunes, mais elle préférait largement arpenter les rues otaku d'Akihabara où se contenter simplement de Shinjuku. "Ce n’était pas bien important pour ce soir. Ça ira." Comment pouvait-on annuler son planning du jour, tout ça pour raccompagner une femme ? Y avait-il encore ce genre d'hommes sur cette planète ? On en entendait parler dans ces films romantiques ou alors, dans les années 15... Mais alors en 2021, la maid ne se doutait pas que ce genre de spécimen d'homme existait encore. Ou alors... Peut-être avait-il quelque chose derrière la tête ? Peut-être essayait-il de bien se faire voir devant elle et lui ferait même quelques avances d'ici quelques minutes ? C'était l'hypothèse la plus probable... Après tout il venait de la sauver d'une agression, il devait se dire qu'il avait eu quelques points après une telle action.

Elle vit son sourire, qui était assez joli il fallait le dire, quand elle lui dit qu'il aurait fait un très bon policier. Puis sa réponse la surprit : "J’aurai aimé être astronaute." Astronaute... C'était la première fois qu'elle rencontrait une personne qui aurait voulu en faire son métier. Habituellement, il était classé dans la catégorie rêve d'enfants, ou alors dans celle où personne ne connaissait jamais quelqu'un qui pratiquait le métier tellement c'était rare. "Mais je suis professeur d’histoire au lycée, chargé de TD en histoire féodale à l’Université de Todai, et je suis thésard." Nanako haussa les sourcils. Bon... Ce n'était pas astronaute, mais s'il était professeur à Todai, même en étant un simple chargé de TD, cela devait être une bonne situation non ?

-Je déteste Todai.

Souffla Nanako en roulant des yeux. Peut-être que c'était parce qu'il travaillait là-bas qu'il avait de si bonnes attitudes, au delà de celles qu'aurait put lui donner son éducation. C'était une université remplis de riches prétentieux, ou de boursiers grosses têtes futurs riches prétentieux. Peut-être était-il comme eux...? Hm, non. Cet homme ne semblait pas les ressembler l'ombre d'une seconde. Il semblait aussi serviable que discret.

- Vous savez, j'ai eu un petit copain qui étudiait l'architecture là-bas. Il était gentil et bien élevé, passionné aussi. Mais, quand il a sut que j'étais maid dans les rues de Kabukichô, il a changé d'avis à mon sujet. Il ne m'a pas quitté tout de suite, au début il m'a juste demandé d'arrêter, il me proposait de m'aider à ouvrir un café quelque part à Shibuya. Mais j'ai refusé. Il m'a quitté par texto et s'est fiancé avec une autre fille de Todai un mois après notre rupture. N'est-il pas un s***** ??

Nanako sentit son coeur saisit par la haine, rien qu'à en parler. Comment avait-il pu faire une chose pareille, après tout ce qu'ils avaient vécu ?? Ils étaient si sérieux l'un avec l'autre.

- Je sais que ce ne sont pas tous les hommes qui rêvent d'épouser une maid. Encore moins celles de Kabukichô. Mais quand même... J'ai trouvé ça si superficiel. Je déteste les étudiants de Todai. Ils sont adulés par l'opinion publique juste parce qu'ils sont riches avec de grosses têtes, mais je suis certaine que la moitié n'est même pas heureux.

Elle inspira une fois de plus sur sa cigarette puis haussa les épaules.

- Qui sait. Peut-être qu'à 30 ans, je serai si désespérée que je serais mariée avec un Yakuza de Kabukichô. Je plaisante.

Elle ponctua sa phrase par un rire malicieux.

Todai n’était pas le lieu le plus sympathique de l’histoire du Japon. Beaucoup de grosses têtes et de gosses de riche à l’allure agaçante. Surtout que pour certains, ils étaient loin d’avoir le niveau requis pour passer les portes de l’université. Le porte-feuille de papa et maman bien garni devait bien aider dans ce genre de cas. D’après l’avis de Junpei, bien évidemment. Lui-même, malgré ses notes excellentes, avait largement été pistonné par le clan pour obtenir le rôle qu’il avait aujourd’hui. Le système était pourri jusqu’à la moelle, y’avait pas à dire.

Puis elle lui expliqua plus intimement ce qui l’avait poussée à détester cette université. Junpei tira une latte tout en écoutant attentivement ce qu’elle lui racontait. Il était plutôt du genre observateur, discret et effacé. Aucun détail ne semblait pouvoir lui échapper, et il ressenti toute la colère de la jeune femme dans ces quelques phrases. Il senti son coeur saisit d’une profonde empathie pour elle puis il tira de nouveau une taffe. Elle devait être terriblement blessée pour continuer de garder cette colère en elle.


Il n’avait aucune arrière pensée. Il était simplement sincère. Qu’importe ce que pourrait faire sa femme, tant qu’elle était heureuse et en bonne santé, ça lui importait peu. Malgré un père machiste, sa mère avait toujours été la plus heureuse des femmes. Et cet exemple lui restait en tête. Il ne pouvait pas s’imaginer juger quelqu’un sur son boulot. Encore moins en sachant le boulot qu’il faisait lui.


Il n’y avait rien de plus beau qu’une femme épanouie, au visage radieux. A quoi bon épouser une employée de bureau si cette dernière a le visage rongé par l’ennui et la morosité de son travail ? Il écrasa sa cigarette sur le sol et en déposa le mégot dans un cendrier de poche dans lequel il avait investi.


Elle était beaucoup trop belle pour finir seule à trente ans. Elle avait également beaucoup de charme. Dans d’autres circonstances, Junpei ne l’aurait jamais approché. Il ne draguait pas les femmes (c’était probablement la raison de son célibat endurci). Mais il était bien content que le destin ai mis une si belle créature sur son chemin.


La température avait chuté et la pluie ne semblait pas se calmer. Il avait peur de la voir s’enrhumer.

"ça ne me poserait aucun problème à moi." Nanako reposa les yeux sur l'homme, intriguée. Cela ne le dérangerait pas ? D'avoir sa chérie, sa fiancée, sa femme, au beau milieu d'hommes dans un quartier aussi mal famé que celui de Kabukichô, et ce tout au long de la journée ? Le pire, c'est la nonchalance et le calme avec lequel il avait prononcé ses mots prouvaient son étrange sincérité. Cet homme avait une aura intrigante, qui poussait presque la curiosité de Nanako à son extrême. "Elle pourrait être host que cela ne me dérangerait pas à vrai dire. Tant que vous êtes heureuse, c’est tout ce qui compte. Si vous aimez votre métier, que vous êtes épanouie, vous êtes alors la plus belle des femmes." D'accord. Elle avait eu cette petite pensée à son sujet il y'avait encore quelques secondes, comme quoi il essayait d'avoir des points avec elle après l'avoir secourue tel un vaillant héros. Elle ne savait pas vraiment si c'était le cas. Mais une chose était sûre ; il venait de lui arracher un véritable sourire.

Nanako avait toujours eu soif de liberté, de pouvoir choisir son propre chemin, son propre bonheur. Elle n'aimait pas colorier à l'intérieur des lignes, après tout il y'avait plus de place à l'extérieur, n'est-ce pas ? Alors évidemment, quand elle entendait ce genre de déclaration, elle se sentait comprise, entendue, sans même avoir eu le temps de développer ce qu'elle ressentait par rapport à tout ça, dans ce coin tout au fond d'elle. Pour sûr, cet homme était un gentleman. Un superbe gentleman. Ou alors, il savait très bien gérer ce rôle.

Cette blague sur les yakuzas étaient stupides. Qui voudrait épouser un homme de la mafia ? Personne voyons. Même elle n'était pas encore assez folle pour arriver à ce point là. S'allier aux mafieux était un point de non retour. Quand vous aviez un rapport quelconque avec eux, vous ne pouviez pas vous en sortir. Contrairement à ce que racontaient les films, cela pouvait très bien se passer. Mais il fallait aussi voir la réalité de l'autre côté de la médaille. Parfois, les choses pouvaient finir mal, très mal, et non seulement pour vous, mais aussi pour votre famille. "Vous seriez surprise de vous rendre compte du traitement des femmes chez certains yakuzas, fit-il remarquer, de toute façon, vous ne serez pas seule jusqu’à vos trente ans, il ne faut pas vous inquiéter. Je suis sûr que vous trouverez quelqu’un avant même de vous en rendre compte." Nanako haussa les épaules. Rencontrer quelqu'un avant de s'en rendre compte... C'est ce que disait parfois les gens à ceux qui cherchaient l'amour. Elle, elle ne cherchait plus. Elle avait décidé d'attendre bien sagement qu'il cogne à la porte et prendrait la décision de lui ouvrir ou non. La dernière fois qu'elle l'avait vu, elle avait fini en larmes.

- Vous savez parler aux femmes, dit-elle d'un ton lasse en levant les yeux au ciel. L'amour fait plus de mal que de bien, alors, j'ai décidé de ne plus trop chercher. On verra bien s'il viendra à moi.

Elle avait prononcé ces derniers mots dans un soupir. "Vous n’avez pas trop froid ?" Elle secoua la tête en affichant un sourire rassurant.

- Je n'ai jamais froid. Ca peut paraitre bizarre, mais je n'ai jamais été frileuse. Même s'il m'arrive d'attraper des rhumes... Mais la pluie ne semble pas s'arrêter bientôt... ajouta-t-elle en regardant le ciel assombrit.

Un petit sourire malicieux naquit sur son visage, alors qu'elle se mordit la lèvre. Après avoir observé quelques secondes, ses yeux se posèrent une fois de plus sur l'homme accroupi, dont les cheveux étaient encore quelque peu enfarinés. Elle hésita quelques secondes, puis posa son sac sur le sol et quitta leur petit abri, se rendant directement sous la pluie. Elle tressaillit sous l'effet de l'eau froide puis avec un grand sourire, tendit les mains vers le bas, vers son sauveur du jour.

- Je sais que ça peut paraitre stupide, mais j'adorais jouer sous la pluie quand j'étais petite. Et je vous arrête tout de suite, non je ne reviendrais pas m'abriter et non je n'ai pas froid. En fait, c'est un peu marrant. Vous voulez venir ?

Son attention se posa sur ses mains, sur lesquelles il restait encore quelques fines traces de sang. Nanako en perdit presque son sourire. Elle les saisit directement et le redressa pour le tirer sous la pluie, avant de nettoyer le reste de sang qu'il avait sur les mains grâce à l'eau fraiche tombant du ciel.

- Vous savez... Je ne sais pas si c'est bien de dire ça à l'homme qui m'a secouru, mais, vous m'avez vraiment fait peur tout à l'heure. Ca se voit que ce n'est pas la première fois que vous vous battez. Je ne voudrais surtout pas me mêler de votre vie mais, je pense que vous devriez faire attention à vous.