Miyamoto Aoi → Asahina Aya

Aoi's Playlist ♬
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La vie, c'est pas un conte de fées.
Pas pour tout le monde.
Pas pour Aoi.
Pas pour cette fille qui est loin d'être née avec une cuillère d'argent dans la bouche. Elle est née dans une famille moyenne, dans une maison moyenne et a vécu une enfance moyenne mais pas malheureuse. Pas au début. Aoi, elle a vu le jour dans la ville de Kyoto au Japon, elle est fille unique, ses parents vivent auprès des grands-parents maternels de la petite, ils possèdent un dojo, elle grandit donc en apprenant les arts martiaux aux côtés de son grand-père. Ses parents sont pas riches, elle ne fait pas partie des enfants gâtés mais elle ne manque de rien, surtout pas d'occupations. La jeune femme se rappelle de sa petite enfance comme d'un moment où elle voudrait retourner volontiers. Elle était petite et insouciante. Elle se sentait aimée et entourée, et c'était absolument tout ce qui comptait.

Mais ça n'a pas duré éternellement. Tout aurait été bien trop facile sinon.

Les enfants sont cruels. Surtout lorsqu'ils se trouvent entre eux.
Aoi a grandi. Elle a grandi trop vite. Elle a grandi trop... Trop, tout court. Elle était une perche à côté des autres gamines de son âge et dans un pays où la petitesse physique est si mignonne, ce n'est pas si simple à vivre. Parce qu'on est pointé du doigt, parce qu'on est moqué. Parce qu'on est blessé. Un coup direct dans l'égo. Tout s'est tout particulièrement emballé à l'époque du collège, où ses camarades ne manquaient jamais une occasion de lui balancer des petits surnoms piquants, de ricaner sur son passage. Parfois, il y avait de petites agressions physiques également, et Aoi, elle ne se défendait jamais. Et elle s'imaginait que les autres avaient parfaitement raison d'agir de la sorte. Au fond, peut-être qu'elle le méritait. Non. C'était sûr qu'elle le méritait. Et qu'elle ne ressemblait à rien, à être si grande, à être si... Elle. Et sa minceur ne manquait pas d'allonger sa silhouette. Petit à petit, elle en est même arrivée à ne plus pouvoir se regarder dans une glace. C'était trop dur. Trop douloureux. Elle n'avait pas vraiment d'amis, elle ne cherchait pas à en avoir. Convaincue qu'elle ne valait pas le coup, elle ne se laissait tout simplement pas approcher. Fuyante et triste comme les pierres, c'était ainsi qu'elle était. Le sport était sa seule échappatoire.

Elle est arrivée tant bien que mal au lycée. Son cœur lourd lui semblait peser une tonne. Et tout sembla s'effondrer en plein milieu de sa première année. Lorsqu'elle perdit ses grands-parents dans un incendie, et que le dojo fut vendu plutôt que gardé en héritage. Elle avait l'impression de vivre dans un cauchemar grandeur nature. Elle avait l'impression qu'elle allait devenir folle. Les brimades la suivaient jusque dans la rue, sa vie n'était rien de plus qu'une saleté de disque rayé. Les jours passaient et se ressemblaient trop, s'était-elle retrouvée en enfer sans le voir venir ? Celles qui n'avaient rien vu venir non plus, ce furent certaines de ses harceleuses, qui eurent le malheur de s'en prendre à elle au mauvais moment. A un moment où toute sa gentillesse et sa patience s'étaient envolées. A un moment où elle ne pouvait plus. Ce fut un massacre.
Non. Il n'est pas question de décès. Mais pour une fois, Aoi a choisi de se défendre, et ce fut avec violence. Et bien sûr qu'elle avait tapé en premier. Car à des mots, elle avait répondu avec ses poings. Et bien sûr qu'il y a eu des témoins. Et ce genre de comportement n'est pas acceptable où que ce soit, mais encore moins au Japon. Ce fut un motif de renvoi immédiat et un procès qui coûta cher à la pauvre famille Miyamoto.

***

Une chose en entraînant une autre, les problèmes d'argent et le dossier scolaire entâché de Aoi poussèrent la famille à changer de ville. Tokyo fut leur espoir d'une nouvelle vie. Enfin... Si on oublie le fait que le couple et leur enfant s'installa dans la petite maison des grands-parents paternels pour réduire les frais. Aoi entra dans un nouveau lycée public dont la direction accepta de fermer les yeux sur la faute qu'elle avait commise. Et parce qu'on ne peut pas laisser une jeune sans éducation. De vrais héros, pas vrai ?

Les moqueries disparurent avec ce déménagement, ou presque. Quelques remarques persistaient parfois, sous couvert d'une fausse bienveillance. Mais Aoi y était devenue indifférente. Parce qu'elle avait appris à se détester plus que qui que ce soit, et que personne ne pourrait lui faire plus de mal quelle s'en faisait avec ses vilaines pensées. Elle était déjà trop cassée pour qu'on l'émiette plus qu'elle ne l'était déjà. Et puis elle avait mis sa famille dans la merde, pas vrai ? C'était encore pire, niveau culpabilité. Elle n'avait pas fini de s'auto-flageller.
Elle était tellement centrée sur sa douleur et ses blessures qu'elle mit un certain temps à comprendre qu'elle n'était pas la seule à être l'origine de la ruine de sa famille. Ouais. La vérité a fini par lui éclater à la gueule : son père était accro aux jeux d'argent. Ce fut flagrant quand des messieurs en costard vinrent chercher la voiture garée devant la maison et que monsieur Miyamoto leur donna les clés d'un air résigné. Il avait joué tout l'argent du foyer, et comme il n'y avait plus d'argent à jouer, il avait joué la voiture ! Ca n'avait aucun sens. Qui fait ce genre de chose dans la vraie vie ?

Aoi eu ce goût amer dans la bouche après ce cruel constat. Il était en proie à une addiction, et personne ne semblait pouvoir y faire quoi que ce soit. Les grands-parents se pensaient discret lorsqu'ils essayaient de raisonner leur fils "loin des oreilles" de la jeune Aoi. La maman pensait que personne ne les entendait, lorsqu'ils s'engueulaient la nuit, dans cette si petite maison.

Petite maison.
Maison trop petite.

Aoi ne pouvait rester là. Aoi se sentait à deux doigts d'étouffer. Elle ne pouvait pas rester là.
Elle ne pouvait pas.
Et si elle aurait bien rêvé de bonnes études pour une bonne carrière, ce n'était pas possible. Elle n'avait pas les moyens. Elle n'avait pas les bons parents. Elle n'avait pas le bon niveau. Elle n'avait rien. Rien pour avoir ça. Rien pour le mériter non plus. Alors, à la sortie du lycée, elle chercha un travail. Et elle enchaîna les petits boulots, travaillant d'arrache-pied pour pouvoir s'échapper de cet endroit exigu trop peuplé.

Mais voilà. Ses parents lui demandaient de l'argent chaque semaine, et faire des économies c'est compliqué dans ces conditions. Elle avait l'impression qu'elle ne pourrait jamais s'en sortir. Elle en était de plus en plus sûre. Jusqu'à ce qu'elle fasse cette rencontre. Cette rencontre, ce hasard. Elle reçut une proposition à laquelle elle eut bien du mal à croire. Quelqu'un lui parlait de... Devenir hôtesse ? Elle ? Etait-ce une blague ?

Et pourtant. Et pourtant, elle se retrouva entre les mains de cette personne qui lui retira ses vêtements trop grands derrière lesquels elle se cachait. Cette personne lui apprit qu'elle avait le droit de porter des talons même si elle était grande, qu'elle avait le droit de se trouver belle et de se mettre en valeur. Cette personne prit soin de la grande perche maladroite qu'était Aoi et la transforma petit à petit en véritable hôtesse.

La jeune Miyamoto n'a pas pu apprendre à s'aimer, mais elle a pu apprendre à moins se détester. Et à cacher ses complexes, faire comme s'ils n'existaient pas. Aoi s'est forgé un masque bien solide. Et puis un salaire d'hôtesse est plus intéressant qu'un salaire d'employé moyen. Et puis elle recevait plein de cadeaux. Elle savait qu'elle se devait d'en garder la plupart, mais les doublons, elle les a vendus pour se faire plus d'argent. Et ça lui permit de s'échapper.

Enfin, la liberté. Entre quatre mur d'une toute petite maison de Shinjuku.
Mais la liberté.