L'histoire de la médecine - Ft Kaori

Il n’avait pas bien saisi le principe de prendre un chargé de TD pour une telle conférence. Mais c’était pour ainsi dire une sorte de chance pour lui. Même si honnêtement, il se serait bien passé de ce genre d’évènements.

On lui avait demandé de faire un effort, qu’il était très utile de promouvoir les étudiants en thèse mais également les chargés de TD pour montrer un large panel d’intervenants dans l’Université. Et puis, de toute façon, il était le seul à être disponible. Mouais, c’était sur ses relations qui l’avaient foutu là. Lui qui n’avait rien demandé.

Mais voilà qu’il allait donner une conférence sur l’histoire de la médecine avec un brillant professeur de Todai. Il ne savait pas encore qui serait son partenaire le temps du séjour, mais compte tenue de la relation qu’il entretenait avec ses collègues, ce serait sportif. Même si au fond, lui, il n’en avait franchement rien à faire.

Ils partiraient cinq jours. Le temps d’une semaine de cours. Au moins, il ne verrait pas ses lycéens ce qui n’était pas un mal compte tenu de leur idiotie certaine. Mais la perspective de se retrouver loin de chez lui ne l’enchantait guère. Surtout en présence de l’un de ses collègues. Il espérait cependant que ce soit une femme. Non pas qu’il avait un quelconque désir durant ce voyage, mais plutôt parce qu’il avait toujours eu plus de facilité à s’entendre avec la gente féminine. Son éducation lui recommandait d’être plus doux avec elles. Un peu vieux Japon, certes, mais il avait grandit dans cette optique.

Aussi, il arriva largement en avance à l’aéroport, histoire d’être sûr de ne faire attendre personne. Il espérait reconnaître son collègue assez rapidement. Il avait un peu de mal à imprimer les visages surtout qu’il y en avait un nombre déconcertant au sein des enseignants de l’université.

Il s’arrêta au starbucks du terminal pour se commander pâtisserie et café, et s’assit pour les déguster tranquillement. Il avait bien trois heures d’avance sur son vol, il pouvait se permettre de se détendre un petit peu. Il sortit son livre de poche qui l’accompagnait partout et continua d’en arpenter les pages avec passion. Au bout d’une heure, il émergea de son univers, et décida d’aller enregistrer ses bagages. Il aurait du y penser avant, mais la tête en l’air qu’il était avait oublié qu’il avait des valises. Cocasse.

C’est à la station d’enregistrement qu’il la croisa, à la fois soulagé et inquiet. Celle qui l’accompagnerait ne serait autre que Tsubasa-sensei. Il était heureux de voir qu’il s’agissait d’une femme, mais en même temps, il se souvenait qu’elle ne lui portait pas un amour tendre. Qu’importe. Ils devraient se supporter. Il se fichait pas mal de l’impression qu’il pouvait lui faire. Après tout, il faudrait être professionnels.


Il s’inclina respectueusement. Après tout elle était son aînée d’une part par son âge, mais également par son rang au sein de l’université. Lui n’était qu’un chargé de TD lorsqu’elle était professeur. Une véritable hiérarchie qu’il fallait absolument respecter.

Dans tous les cas, il aurait fait preuve d’énormément de politesse. Son éducation stricte lui avait toujours appris à respecter les autres. Son éducation dans le clan avait confirmé cette affirmation.

Quand l’idée de faire une série de conférence sur l’histoire de la médecine à travers le pays avait été émise, Kaori n’y avait pas fais plus attention que ça. L’idée traînait depuis un moment et ces fameuses conférences avaient été prévues puis annulées plusieurs fois. Non pas que ça n’intéressait personnes, bien au contraire, mais en ce moment, la mode était plutôt aux conférences sur les dernières découvertes médicales et grosses opérations. Elle le savait bien, vu qu’elle en avait donné déjà deux cette année. Et elle espérait bien que ce serait les dernières avant quelques mois. Ne vous méprenez pas, monter sur une scène, avoir les yeux rivés sur elle, les étudiants et confrères pendus à ses lèvres alors qu’elle partageait son savoir, elle adorait ! Mais…mais les derniers mois avaient été chargés. Sa relation puis rupture avec son étudiant, ses nombreux cours, ses élèves à suivre, ses propres recherches et garde à l’hôpital…..Bien qu’elle soit un monstre de travail, même Kaori avait besoin d’une pause et du temps pour elle, pour se concentrer sur son travail.

Sauf que quelqu’un en avait apparemment décidé autrement. Et ce quelqu’un était le doyen de l’université himself. Une personne à qui, même Kaori, ne pouvait dire non.  Elle avait été convoquée il y a quelques semaines dans son bureau. L’entretient avait été rapide. L’histoire de la médecine intéressait, des conférences étaient prévus et il comptait sur elle pour s’en charger avec l’aide d’un confrère spécialisé dans l’histoire, merci d’être passé Tsubasa-senseï, bonne journée au revoir. Et la porte qui se referme.
Autant dire qu’elle était ravie, mais n’avait guère le choix. Les jours suivants passèrent à une vitesse incroyable, occupée qu’elle était à organiser son emploi du temps, filer ses cours à des confrères, prévenir qu’elle ne pourrait pas assurer ses gardes, préparer ces fameuses conférences, etc….Avant même qu’elle ne s’en rende compte, le jour J était arrivé, ses valises bouclées, le taxi venait de la déposer à l’aéroport. C’est en se dirigeant vers le comptoir d’enregistrement qu’elle percuta qu’elle ne savait même pas avec qui elle allait devoir partager ses prochains jours.

La réponse lui vint rapidement sous la forme d’un « Bonjour Tsubasa-Sensei ». Elle se retourna et………..non mais c’était une blague ?? Une tournée de conférences hautement attendues dans le pays et il lui collait un chargé de TD et professeur de lycée ??? Attention, elle n’avait rien contre les prof de lycée, bien au contraire. Ils avaient tout son respect pour se coltiner à longueur de journée des adolescents boutonneux aux hormones déchaînés. Mais lui ? Ah ça, elle le connaissait, ils avaient eu l’occasion de se croiser et….disons qu’elle n’en gardait pas un bon souvenir. Elle le trouvait flegmatique, un peu à l’ouest, bref tout son contraire. La semaine allait être longue. Mais au moins, se dit-elle en le regardant la saluer, il avait le sens de la hiérarchie.

« Takeda-sensei. Je dois avouer que je suis surprise de vous voir. »

Et…ce fut tout pour un moment. Ils enregistrèrent leurs bagages et ce n’est qu’une fois en salle d’attente qu’elle s’adressa de nouveau à lui, sortant ses notes et le dossier qu’elle comptait travailler dans l’avion.

« Bien. Comparons nos notes. J’ose espérer que vous avez préparé cela. Et il faudra que l’on s’organise pour la prise de paroles. »

Oui elle n’était pas très agréable. Mais hey ! C’était sa réputation qui était en jeu là alors ils avaient intérêt à être coordonnés. Maintenant, même si elle ne le portait guère dans son cœur, elle devait bien reconnaître ses compétences. Et puis s’il était là avec elle, c’est qu’il avait les qualités recherchées. Alors oui, elle savait, plus ou moins, travailler en équipe. Enfin elle essayait c’était déjà ça.

Elle n’est vraiment pas agréable. Et malgré toute sa nonchalance, Junpei ne peut pas en faire abstraction. Elle le rend mal à l’aise. Il ne fait rien en particulier pour lui plaire, c’est vrai, mais elle le met toujours dans l’inconfort. Il aimerait être invisible quand elle est dans les parages. Il ne pense pas être le seul à sentir une forme de malaise en la présence de cette femme aussi froide que la glace. Mais après tout, ça lui importe peu.

Aussi, il se contente de hocher la tête en signe d’approbation quand elle lui dit être surprise de le voir. Il l’est tout autant. Enfin, d’être là, pas de la voir. Il semblait assez logique que l’Université place l’un de ses meilleurs éléments sur une telle conférence. Elle serait retransmise dans le monde entier, pour ceux que ça intéresserait, pas grand monde, évidemment. Même Junpei trouvait le sujet de ce séminaire pour le moins rébarbatif. Mais on ne lui avait pas demandé son avis. Comme toujours depuis qu’il avait entamé sa carrière de prof.

Pion manipulé sur l’échiquier de Todai, il s’efforce de ne pas montrer son manque d’intérêt, pour le moins… Constant. Pour ainsi dire, qu’il éprouve une certaine envie ou non pour quelque chose, son attitude ne changeait pas particulièrement. L’art d’être apathique dans tout.


Il n’est pas un idiot. Pour qui elle le prend ? Il fronce légèrement les sourcils. Si légèrement que ce n’est pas perceptible, que ça ressemble plutôt à un spasme. Comme s’il avait légèrement bugué. Il sort son cahier de notes, rempli de pages noircies. Il n’est peut-être pas la personne la plus investie du monde, mais c’est un bon bosseur, on ne peut pas le lui enlever. Il l’ouvre nonchalamment, sans vraiment se presser. Après tout, ils ont pas mal de temps avant l’embarcation. De toute façon, il va toujours à son rythme, que cela dérange ou pas, il s’en fiche pas mal.


Ce n’est pas vraiment comme s’il avait le choix. Mais il trouvait cela drôlement plus pratique au fond. Plutôt que de créer des conflits inutiles, il se contenterait de suivre le mouvement. Il le faisait souvent, ça. Parce que c’était plus confortable, et en général, les gens appréciaient qu’il ne cherche pas à imposer sa vision des choses. c’est pas quelqu’un de chiant au final. Il fait son boulot, sans demander d’aide à personne, puis il s’adapte. Y’a beaucoup plus chiant comme coéquipier, surtout quand on sait pas travailler en équipe et qu’on aime tout diriger. Et cette Tsubasa, sans aucun doute, elle aime tout diriger.